On a testé avec vous... l'avoine brésilienne !

Introduction

On l'appelle couramment Avena strigosa, avoine rude ou encore avoine brésilienne, on en parle beaucoup dans la presse spécialisée sur les TCS mais qu'est-ce donc pour une avoine ? Il s'agit en fait d'une espèce d'avoine connue depuis bien longtemps mais remise au goût du jour pour sa productivité de biomasse et pour sa réputation d'être plus sensible au gel que l'avoine de printemps semée en interculture.

Quelles pourraient être les potentialités de cette culture intermédiaire dans les conditions pédoclimatiques wallonnes (Belgique) ? Sans aucune prétention d'en circonscrire la totalité des atouts et des faiblesses, quatorze agriculteurs membres de l'ASBL Greenotec se sont toutefois prêtés au test au cours de l'interculture 2007-2008.

On a aussi testé l'Avoine brésilienne en Interculture courte .

L'espèce en quelques mots

Avena strigosa SCHREB. serait l’engrais vert le plus utilisé en Amérique latine, ce qui expliquerait logiquement son surnom « d’avoine brésilienne ». Certains lui confèrent des propriétés sanitaires particulièrement intéressantes (effet nématicide et effet allélopathique de contrôle des adventices) mais en la matière, nous ne disposons d’aucun résultat chiffré qui permettrait de confirmer / d’infirmer ces dires. Cette espèce d’avoine est connue sous plusieurs appellations, mais nous lui préférerons dans les lignes suivantes son nom vernaculaire : avoine rude.

 

L’avoine rude est testée en France depuis quelques années. La densité de semis conseillée par les personnes qui ont eu l’occasion de la tester est de quatre dixième de celle de l'avoine de printemps (Avena sativa L.), soit une valeur comprise entre 30 et 40 kg/ha. A titre indicatif, des semences d’avoine rude pouvaient être obtenues en France au mois de juillet 2007 au prix (hors frais de transport) de 0,92 EUR/kg TVAC.

Cr e4

Déroulement du suivi en champ

Quatorze agriculteurs membres de l’ASBL Greenotec (répartis en Région limoneuse du Tournaisis jusqu’à la Hesbaye liégeoise, mais également en Région sablo-limoneuse et dans le Condroz) ont été sélectionnés pour leur expérience (à notre connaissance) en matière d’interculture d’avoine de printemps en non-labour.

Il leur a été demandé de semer sur un précédent céréale à paille selon leurs propres modalités (choix de la date de semis, de la profondeur des semences, …) quelques ares d’avoine rude au milieu d’une parcelle d’avoine de printemps. La densité de semis de l’avoine rude conseillée était de quatre dixième de celle de l’avoine de printemps contiguë. Les parcelles d’avoine ont toutes été semées entre le vendredi 10 août et le samedi 15 septembre 2007, mais la majorité des semis se sont concentrés durant la première quinzaine de septembre. Le tableau ci-dessous reprend les principales caractéristiques des itinéraires techniques des parcelles.

Les parcelles avaient également été sélectionnées en vue de réaliser des observations de levée et de croissance sur des betteraves sucrières en 2008, mais les modifications du régime sucrier intervenues au cours de l’hiver 2007-2008 n’ont permis de mener le suivi à terme que sur huit des quatorze parcelles initiales.

 

Parcelle Commune  Précédent cultural  Date de semis de la culture intermédiaire  Densité de semis de l'avoine rude Densité de semis de l'avoine de printemps  Date de semis de la betterave sucrière
Baugnies III Péruwelz Froment d'hiver  13/09/2007 40 kg/ha 40 kg/ha 18/04/2008
Court-Saint-Etienne V Court-Saint-Etienne Froment d'hiver  05/09/2007 40 kg/ha 90 kg/ha 18/04/2008
Fromiée I Gerpinnes  Escourgeon 17/08/2007 30 kg/ha 75 kg/ha /
Gozée I Thuin  Escourgeon 15/09/2007 30 kg/ha 70 kg/ha 27/04/2008
Harmignies III Mons Avoine de printemps 30/08/2007 30 kg/ha 50 kg/ha /
Hévillers I Mont-Saint-Guibert   10/08/2007 35 kg/ha 100 kg/ha /
Le Roux II Fosses-la-Ville Froment d'hiver 07/09/2007 30 kg/ha 110 kg/ha 26/04/2008
Loyers I Namur Froment d'hiver 15/09/2007 25 kg/ha 55 kg/ha 25/04/2008
Marbais III Villers-la-Ville Froment d'hiver 15/09/2007 40 kg/ha 80 kg/ha 12/04/2008
Maubray III Antoing Froment d'hiver  09/09/2007 45 kg/ha 85 kg/ha /
Maulde III Tournai Froment d'hiver  12/09/2007 75 kg/ha 58 kg/ha /
Modave III Modave Froment d'hiver 15/09/2007 30 kg/ha 70 kg/ha /
Rutten I Tongeren  Escourgeon 01/09/2007 28 kg/ha 60 kg/ha 27/04/2008
Strée IX Modave Escourgeon 27/08/2007 28 kg/ha 70 kg/ha 23/04/2008

Les observations

Au cours de l'hiver 2007-2008

Quelques enseignements ont pu être obtenus au travers d’observations sur la croissance et la sénescence des deux espèces d'avoine.

La couverture de sol assurée par l'avoine rude a été jugée très satisfaisante par la plupart des agriculteurs, même à des doses de semis de moitié moindre par rapport à l’avoine classique. Le tallage était excellent ainsi que son étalement sur le sol une fois la culture détruite.

Sans se prononcer sur la pertinence de développer des couverts aux biomasses importantes, l’expérience française (Arvalis) d’une productivité de biomasse accrue de l’avoine rude par rapport à l’avoine de printemps (environ 10 % pour des semis de la dernière décade d'août) n’a pu être corroborée (visuellement, sans réelle mesure quantitative) que pour les semis de la mi-août : au-delà de cette date, les différences s’estompaient.

La gélivité du couvert est un critère de comparaison supplémentaire de tout premier ordre, particulièrement dans un objectif de réduction des interventions chimiques à des fins de destruction. Une différence nette (voir photo ci-contre : l'avoine rude est située à gauche du jalon, l'avoine de printemps est située à droite) de comportement au gel n’a pu être observée que dans trois localités, avec à chaque fois une température minimale atteinte au cours de l’hiver avoisinant -7°C conduisant à destruction totale de l’avoine rude mais pas celle de l’avoine de printemps. Ce constat est cependant à relativiser parce que :

 

  • deux variétés d’avoine de printemps peuvent avoir des comportements au gel très différents ;
  • comme pour bon nombre de cultures intermédiaires, la gélivité de l’avoine de printemps est fortement dépendante du stade de développement de la plante.

 

 

Cr brasm

Quoiqu’il en soit, la réputation d’une sensibilité au gel accrue de l’avoine rude par rapport à l’avoine de printemps est à considérer avec la plus grande prudence… Surtout qu'en France, Arvalis Institut du Végétal a constaté qu'à plusieurs reprises, les feuilles succombaient au gel sans que cela ne soit le cas pour les racines, conduisant ainsi une reprise de végétation au printemps...

 

En ce qui concerne la sensibilité de l’avoine rude par rapport à divers ravageurs, peu d'observations ont été relevées sur le terrain par les agriculteurs. On notera (anecdotiquement) une préférence marquée des lièvres pour l’avoine rude peut-être expliquée par des feuilles au goût plus "sucré" (évaluation gustative réalisée par un agriculteur - éleveur…). Le peu d'observations sur les attaques de limaces ne permettent pas de tirer de conclusions à ce sujet : on ne relève pas de préférence tranchée de ce ravageur pour l'une ou l'autre espèce. Idem pour la sensibilité à la rouille : si une résistance à la rouille est parfois constatée la première année d’utilisation de l’avoine rude, plusieurs agriculteurs français nous ont confirmé que cela ne durait (malheureusement) pas les années suivantes…

Au semis des betteraves sucrières

Pour la plupart des parcelles du réseau de suivi, aucune différence visible n'était à relever au niveau de la qualité de préparation du lit de semences de la betterave sucrière, ce qui peut aisément s'expliquer par le peu de différences observées au cours de l'hiver.On précisera cependant que toutes les avoines ont été détruites au moins deux mois avant le semis des betteraves sucrières, et que la masse de résidus à la surface du sol était particulièrement faible en avril. C'est essentiellement dans les situations où les avoines sont détruites tardivement (quelques semaines avant le semis, voire moins) que de graves difficultés apparaissent (systèmes racinaires insuffisamment décomposés ralentissant très fortement le ressuyage du sol), comme ce fût le cas pour de nombreux agriculteurs au printemps 2005. 

A la levée des betteraves sucrières

Des observations portant sur la levée et la croissance des betteraves sucrières ont été réalisées dans huit des parcelles du réseau de suivi environ un mois après le semis (entre 31 et 36 jours selon les parcelles).

NB : pour agrandir les graphiques, cliquer dessus !
Mesure Méthodologie Graphique
Levée des betteraves sucrières

La levée a été évaluée en comptant le nombre de betteraves sucrières sur 8 lignes de 10 mètres choisies aléatoirement pour chaque parcelle et pour chaque couvert.

Au vu des grands intervalles de variation, les faibles différences allant tantôt en faveur de l’avoine rude, tantôt en faveur de l’avoine de printemps, ne se révèlent statistiquement significatives que pour la parcelle de Rutten I. On ne peut donc tirer aucune conclusion fiable sur l’influence du type de couvert sur la levée finale des betteraves sucrières.

 Ccomp suivi bts08 levee 1
Croissance des betteraves sucrières

La croissance des betteraves sucrières a été évaluée en caractérisant le stade de développement de 160 betteraves sucrières pour chaque parcelle et pour chaque couvert (soit 8 lignes x 20 betteraves sucrières).

Les codes suivants ont été utilisés :


  • BBCH 9-11 : du stade "percement de la surface du sol par la tigelle" au stade "2 feuilles vraies visibles mais non déployées"
  • BBCH 12 : stade "2 feuilles vraies déployées"
  • BBCH 14 : stade "4 feuilles vraies déployées"
  • BBCH 16 : stade "6 feuilles vraies déployées"
  • BBCH 18 : stade "8 feuilles vraies déployées"
  • BBCH 20 : stade "10 feuilles vraies déployées"
Quelle que soit la parcelle considérée, les différences de croissance des betteraves sucrières s'avèrent relativement faibles.
 Ccomp suivi bts08 croissance b le 1

 Ccomp suivi bts08 croissance lo s 1

En conclusion

Dans les conditions du suivi réalisé durant l'interculture 2007-2008 et au printemps 2008, caractérisé notamment par des dates de semis tardives des cultures intermédiaires (mais non exceptionnelles), l'avoine rude ne s'est pas démontrée particulièrement avantageuse par rapport à l'avoine de printemps utilisée comme culture intermédiaire.

Par contre, les grandes différences comportementales (notamment par rapport au gel) qui ont pu être observées entre toutes les variétés d'avoines de printemps (re)met en exergue l'intérêt que pourrait représenter pour l'agriculteur le choix raisonné de l'une ou l'autre variété d'avoine de printemps en fonction des conditions pédoclimatiques et de l'itinéraire technique envisagé. Une question sur laquelle l'ASBL Greenotec pourrait être amenée à travailler prochainement...

Suivi réalisé et article rédigé le 05/06/2008 par Nicolas Lefebvre et Sébastien Weykmans (ASBL Greenotec). Nos remerciements vont à J. Labreuche (Arvalis Institut du Végétal), J.-P. Vandergeten (IRBAB ASBL) et F. Delobel (TMCE).

Source bibliographique : http://www.panam.fr/luxurial.htm

 









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Publié le: 2008-06-05