Après-midi d'étude sur la destruction mécanique des cultures intermédiaires par roulage et ébousage animée par Jérôme Labreuche

Introduction

Le centre de recherches agronomiques français Arvalis Institut du Végétal et les Chambres d’Agriculture des Pays de la Loire étudient depuis 2004 le roulage des couverts végétaux par temps de gel.

Cette technique, qui vise à amplifier les dégâts du gel sur les couverts, se veut une alternative originale aux modes de destruction généralement pratiqués par les agriculteurs en TCS.

Au cours d’une après-midi d’étude le jeudi 21 février 2008 à Strée-lez-Huy (organisée conjointement par le CTA, le CRA-W DPV et les ASBL Nitrawal et Greenotec), Jérôme Labreuche, spécialiste mécanisation chez Arvalis Institut du Végétal, a témoigné de l’expérience française en la matière.

Compte-rendu de l'exposé de Jérôme Labreuche

Le contexte français

La pratique des cultures intermédiaires, au même titre que celle du travail du sol sans labour, gagne de plus en plus d’adeptes dans l’Hexagone, mais cet engouement ne se fait pas sans entraîner de nombreuses questions sur les modalités pratiques de leur mise en œuvre et de leur destruction.
La présence accrue de glyphosate dans les eaux de surface ces dernières années, qui de plus est dans un contexte (Grenelle de l’Environnement) peu favorable aux produits phytosanitaires, s’est déjà traduite par la définition de nouvelles mesures agri-environnementales prônant des méthodes mécaniques en lieu et place des méthodes chimiques.

Les différentes méthodes de destruction

Le gel

Le gel est bien évidemment la solution la plus neutre d’un point de vue environnemental, mais aussi la moins coûteuse ! La sensibilité des cultures intermédiaires au gel est cependant fortement variable selon les espèces et leur stade de développement, comme le résume le classement suivant (température sous abri à 2 m conduisant à la destruction totale du couvert) : nyger, sarrasin, sorgho : 0° à -2°C ; tournesol : -4°C ; moutarde : -5°C à -7°C ; phacélie : -7°C à -13°C ; radis, avoine d'hiver, ray-grass : -13°C ; colza, navette, seigle : <-13°C.

Les adventices présents sous le couvert sont toutefois peu fréquemment touchés. En outre, les épisodes de gel prononcé sont très aléatoires d’une année à l’autre, d’autant plus si l’on recherche des températures très basses (ceci est encore plus vrai dans le contexte du réchauffement climatique). A noter également que les épisodes de gel intense (en tout cas pour la station de Boigneville située à une centaine de kilomètres au Sud de Paris) se rencontrent plus fréquemment en janvier et en février alors que la période optimale de destruction des couverts d’un point de vue technique est la première quinzaine de décembre pour les semis hâtifs de printemps. 
Le broyage

La fenêtre climatique durant laquelle peuvent être réalisés les broyages est plus étendue que pour le gel, mais les conditions de sol se doivent tout de même d’être portantes. La moutarde est une espèce qui se détruit particulièrement bien de cette manière, à la différence des couverts à port rampant (de même que les adventices). Le débit de chantier, pour un outil de 4 mètres de large, avoisine les 1,8 ha/h, avec un coût de l’ordre de 30 €/ha.

La destruction chimique (glyphosate) 

Le prix de revient du broyage est, à peu de chose près, identique à celui de la destruction chimique à l’aide d’un herbicide non sélectif contenant du glyphosate, mais dans ce cas, le débit de chantier, en tenant compte du temps de remplissage et de rinçage de la cuve, est nettement supérieur (de l’ordre de 10 ha/h). Quasi toutes les espèces y sont sensibles et qui de plus est, le nombre de jours disponibles est plus élevé. Les inconvénients résident cependant dans la nécessité de déshiverner son pulvérisateur et dans un risque de transfert du produit utilisé vers les eaux de surface et des nappes.

Le roulage 

Le roulage des cultures intermédiaires consiste à utiliser un rouleau lourd sur un couvert végétal par temps de gel pour accroître les effets du froid sur la plante en causant des déchirures au niveau des tissus.

Cette technique, originaire du Brésil (où elle est a contrario utilisée lors de journées très sèches), est actuellement en vogue en France et se veut plus économique (environ 15 €/ha) et plus rapide (environ 3 ha/h pour un outil de 8 mètres) que le broyage.

Des essais ont été réalisés en France sur divers couverts végétaux (biomasses sèches variant de 1 à 4,5 tonnes de matière sèche par hectare) avec des rouleaux fréquemment rencontrés sur les exploitations agricoles françaises : rouleau de type « Cultipacker », rouleau « Cambridge » ou encore un rouleau à lames. Ce dernier type de rouleau s’est cependant montré peu efficace, ayant tendance à se remplir de boue en conditions limites et ne permettant pas de toucher toute la végétation sur sol gelé, le rouleau ayant tendance à s’appuyer sur les crêtes proéminentes du terrain.

Les essais réalisés ont permis de montrer d’une part que les plantes réagissent différemment, la phacélie (surtout) et la moutarde (dans une moindre mesure) se montrant assez sensibles. D’autre part, quel que soit le rouleau, la destruction par roulage atteignait rarement 100 % d’efficacité. Elle pouvait même se montrer complètement inefficace sur des végétaux non gelés, de même que sur les repousses de la céréale précédente en dessous du couvert.

Le roulage doit donc être considéré comme un amplificateur de l’action du gel mais pas une alternative sensu stricto.

Conclusions

Tout mode de destruction des cultures intermédiaires présente des atouts, des inconvénients, mais également une efficacité qui peut être fortement dépendante du couvert en place (voir le tableau ci-dessous : sensibilité des couverts à différents modes de destruction). Le roulage par temps de gel ne déroge pas à la règle et bien que cette technique s’avère très intéressante d’un point de vue environnemental sans nécessiter de matériel spécifique, il n’en reste pas moins qu’elle reste fortement dépendante des conditions climatiques.

 Espèce  Gel   Broyage   Destruction chimique  Roulage
 Moutarde blanche  + +  + + +  + +  + +
 Phacélie  +  + +  + +  + + +
 Radis  +  0  +  +
 Avoine d'hiver  +  0  + + +  0
 Seigle  0  0  + +  0
 Ray-grass  0  0  + +  0
 Trèfle incarnat  0  0  0  0
 Lentille, pois, vesce  +  0  +  +
 Sarrasin  + + +  + +  + +  + + +
 Tournesol  + + +  + + +  + +  + + +
 Nyger  + + +  + +  + +  + + +
Légende :
 0   peu sensible
 +  assez sensible
 + +  sensible
 + + +  très sensible

 

Visite de terrain

Après une série de questions/réponses entre Jérôme Labreuche et l'assemblée de participants, l'après-midi s'est poursuivie par une visite de champ d'essai (essai CIM08-StréeIX - cliquer ici) où trois cultures intermédiaires (avoine de printemps, phacélie, moutarde) ont été détruites mécaniquement par fauchage, ébousage et roulage au mois de décembre et de janvier.
Propos synthétisés par S. Weykmans le 05/03/2008. L'ensemble des informations présentées sur cette page reste la propriété d'Arvalis Institut du Végétal