Festival de l'ACS 2022

Résumé du Festival de l'agroécologie et de l'agriculture de conservation à Meux le 22 et 23 juin 2022

Vulga

Résumé de la conference de Marc André Selosse au FA²C 2022

Pour cette 3ème édition du festival de l’agriculture de conservation et de l’agroécologie (FA²C), Greenotec accueillait le professeur français Marc-André Selosse.

Pas prescripteur technique, mais excellent vulgarisateur

« Je ne suis pas agriculteur, je suis juste un chercheur qui travaille sur le vivant, la plante et les micro-organismes » annonce d’entrée de jeu le conférencier. « Je souhaite partager ma vision du sol et analyser les gestes agricoles au regard de ce que nous connaissons maintenant sur ceux-ci ».

Marc-André Selosse est clairement un bon vulgarisateur. La conférence d’une heure, suivie d’une heure de questions/réponses est passée comme une flèche. Biologiste et mycologue au Museum d’histoire naturelle de Paris, professeur, il est également l’auteur de plusieurs livres de vulgarisation et était chroniqueur sur France Inter en 2020 et 2021.

Ses livres sont destinés à un large public, mais il faut quand même avoir la fibre scientifique et la curiosité de comprendre le vivant pour en commencer la lecture. Les principaux sont les suivants.

• La Symbiose : structures et fonctions, rôle écologique et évolutif.

• Jamais seul : ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations.

• Les goûts et les couleurs du monde : une histoire naturelle des tannins, de l’écologie à la santé.

Et le dernier en date qui reprend en quelques centaines de pages agréables à lire les cours de pédologie et de physiologie végétale du cursus d’agronomie :

• L’origine du monde : une histoire naturelle du sol à l’intention de ceux qui le piétinent.

La marque de fabrique de l’auteur : nous relier à ce que tout un chacun peut observer au détour d’un champ, d’une promenade à la campagne voire même d’un plat cuisiné.

Un écosystème invisible

Marc-André-Selosse poursuit son plaidoyer : « L’écosystème terrestre est avant tout dans nos sols. Ce qu’il s’y passe est vivant ! » La plupart de ce qui est vivant dans le sol ne se voit pas à l’œil nu : on nomme cela les microbes. En termes plus scientifiques il s’agit de champignons, de bactéries et d’amibes. Puis arrive la partie animale : collemboles, nématodes, acariens, vers, pseudo-scorpions, … Pour terminer par les virus dont on ne connaît rien. Sous un hectare on trouve cinq tonnes de microbes, cinq tonnes de racines et une tonne et demi d’animaux.

Tiens les amibes… on en reparle dans les cours de récréation suite à l’introduction dans certains cours de sciences (donnés par les professeurs passionnés) des « blobs » qui ne sont autres que des amibes géantes que l’on suggère aux ados d’adopter. « En théorie il ne devrait pas y avoir de plante car l’azote et le phosphore sont bien plus efficacement collectés par certaines bactéries » annonce le chercheur. Mais grâce aux amibes, mangeuses de bactéries (par phagocytose), ces éléments sont restitués au sol lorsqu’elles libèrent les déchets de leur digestion des bactéries. « C’est un phénomène méconnu de beaucoup de pédologues ».

Un sol plein de vie

« Non les sols ne sont pas morts ! Je n’ai jamais vu de sol mort de ma vie ! » revendique le professeur. Par contre, dans les sols agricoles classiques, on observe une biomasse microbienne faible. En quantité ! « Plus un système est manipulé (NDLR : entendez par là, le travail du sol], moins on a de biomasse microbienne. L’agriculture n’a pas pour autant totalement bousillé les sols. La diversité génétique a diminué mais la plupart des espèces sont toujours là. Même si on est au début d’une extinction, tout est encore possible si on agit maintenant car les espèces sont présentes. »

Un sol fait de vie

Première étape pour assurer la vie : trouver une source d’énergie.

« Faire de l’énergie, c’est prendre de la matière disponible dans l’alimentation et la brûler à l’oxygène. Il en résulte des cendres (azote, phosphore, potassium …). L’urine c’est 6g d’N par litre. On se demande d’ailleurs pourquoi on la jette par les fenêtres plutôt que de la mettre dans les champs ».

Plaçons un morceau de roche dans un verre d’eau, au bout de six mois il ne se sera pas passé grand-chose. Plaçons ce morceau dans un verre rempli de jus de sol, sa surface sera altérée. Même les roches sont en devenir sous l’effet de la vie du sol. Ce devenir est de produire de la fertilité.

Le sol conduit les gaz : l’oxygène qui permet la respiration de la vie du sol, mais également un autre gaz qui va amener au sol un élément qui ne s’y trouverait pas car pas présent dans les roches : l’azote !

Les légumineuses et leurs bactéries Rhizobium transforment l’azote de l’air en acides aminés. C’est connu de tous. Ce qui l’est moins, c’est son coût : « ça coûte 30% de la photosynthèse de la plante pour fournir de la sève et du sucre aux Rhizobiums ». Des bactéries libres dans le sol, les Azotobacters, peuvent aussi tirer profit de l’azote de l’air, mais c’est moins efficace car elles ne sont pas liées à une plante et n’ont pas de sucre en retour.

« Ca fait 5000 ans que les agriculteurs manipulent ce phénomène en cultivant des plantes qui nourrissent les bactéries. »

Un sol animé par la vie

C’est seulement à ce moment de l’exposé que l’on commence à parler des animaux du sol.

A force de se déplacer, ce sont eux qui le mélangent. En outre de l’effet des déplacements, un autre effet s’ajoute dans le cas des vers de terre grâce à leur système digestif. Les vers de terre mangent les microbes du sol et rejettent la matière organique qu’ils ne digèrent pas ! Le ver de terre mange 20 fois son poids par jour. Tout le sol passe dans les vers de terre tous les 3 à 5 ans ! Dans ses crottes se forme un mariage étroit et très stable entre matière organique et argile : le célèbre complexe argilo-humique. En outre, le ver de terre réalise un travail contraire à la charrue : là où elle remonte les cailloux, lui remonte le sol au-dessus des cailloux qui s’enfoncent progressivement.

Zoom sur les racines

De son vivant la racine rejette dans le sol 10 à 40% de la photosynthèse puis elle meurt (elle ne devient pas plus grosse). Au total le système racinaire injecte en profondeur entre 1 et 5 fois autant que ce que les parties aériennes fournissent en tombant sur le sol. Les racines sont une machine à mettre du carbone en profondeur.

Le champignon qui fait les courses : les mycorhizes

Après nous avoir montré toutes ces belles petites choses utiles qu’on trouvait dans le sol, Marc-André Selosse s’attarde sur les mycorhizes. En deux mot, c’est un champignon qui s’associe avec les racines des plantes pour l’aider à se nourrir. Fait incroyable : il augmente de 10.000 la surface de contact de la racine avec le sol ! Et comme il réalise cela à un coût énergétique moindre d’un facteur 100 (vu son diamètre moindre), on peut carrément estimer l’optimisation à 1 000 000 !

80% des plantes s’associent avec ce champignon naturellement présent dans le sol. Les plantes cultivées aussi (sauf les crucifères comme la moutarde et le colza). Et comme les champignons sont capables de s’attaquer à la roche du sol, ils récupèrent toutes sortes de nutriments insoupçonnés.

Les mycorhizes ont également un effet phytosanitaire : elles aident la plante à vivre malgré la présence de pathogènes.

On a intérêt à jouer sur le fait que les mycorhizes des uns peuvent profiter aux autres. En semant des plantes, on peut entretenir d’autres bactéries et champignons bénéfiques du sol sans devoir viser directement ces microbes. Il suffit de les nourrir entre deux récoltes ou par un voisinage déjà établi pour en bénéficier pour ce que l’on va semer.

En conclusion, toute cette vie du sol crée des trous dans le sol, des trous dans lesquels circulent les gaz et l’eau qui permettent la vie. Des trous oui mais des trous durables, qui ne s’effacent pas quand on les piétine, des trous englués de matière organique, contrairement au trou produit par le labour qui ne dure pas.

Un sol hors de lui

Le sol a des fonctions hors de lui. Une importante est une fonction qu’il a sur le climat

Dans les sols sans oxygène, certaines bactéries parviennent à respirer. Elles respirent au CO2 en produisant du méthane ou au nitrate en produisant du protoxyde d’azote. Ces gaz sont bien plus impactant que le gaz carbonique (50 x et 240 x plus impactant). Quand on irrigue, on produit énormément de méthane et de protoxyde d’azote. Et si on y ajoute du nitrate on encourage la production de protoxyde d’azote.

Quand je laboure, j’aère le sol, j’amène beaucoup d’oxygène, les bactéries respirent davantage et font plus de CO2. L’homme a émis deux fois plus de CO2 par le labour depuis qu’il laboure que l’industrie depuis qu’elle utilise des combustibles fossiles !

L’Initiative du 4 pour 1000 que l’on doit à Stephane Le Foll (ancien ministre français de l’agriculture) est un calcul tout bête. Si chaque année, dans tous les sols du globe, on augmente de 0,4% ou de 4 pour 1000 la teneur en matière organique dans le sol, on compense, par le carbone immobilisé,  la production de gaz à effet de serre de l’année.

« Evidement c’est un chiffre pour les idées. Je ne me vois pas augmenter de 0,4% la matière organique des sols de Patagonie. Cela montre juste qu’il y a quelque chose qui avec un petit geste peut avoir un grand effet. »

Cette fonction du sol pour le climat consiste à dire que notre matière organique, c’est sur les sols qu’il faut la remettre. C’est là qu’on voit que l’élevage peut avoir des rôles écologiques intéressants grâce aux fumiers. Et quel est l’animal qui produit le plus de fumier ? L’homme tiens ! Or nos excréments finissent à la station d’épuration et nos poubelles à la décharge.

« En tous cas, vous les agriculteurs, vous êtes, par vos sols, un des espoirs pour stocker du carbone. »

Un sol piétiné

Le sol est « piétiné » par le labour, par les pesticides, par les engrais et par l’artificialisation des sols.

« A priori aucun organisme vivant ne supporte le labour. C’est tellement insupportable que les plantes en meurent. C’est d’ailleurs l’intérêt du labour : désherber. Même des travaux de surface conduisent à un vrai holocauste vivant. Quand je vois une image de sol labouré, j’ai mal aux champignons. »

Si votre corps est fait d’un réseau microscopique que le labour détruit, les espèces de champignons qui ne parviennent pas à cicatriser disparaissent. En revanche, les bactéries (qui se situent dans les grumeaux du sol) subissent moins le labour. Elles en profitent même, puisqu’on enlève la concurrence des champignons.

Au final on a autant de diversité, en nombre d’espèces, mais ce qui nous intéresse surtout c’est la diversité des fonctions. Or les bactéries ne font pas le même travail que les champignons. On parle ici de diversité fonctionnelle.

Marc-André Selosse se fait l’avocat du diable en criant soudain : « oui mais quand même, ça fait 500 ans qu’on laboure ! ». Ce à quoi il s’empresse de répondre lui-même.

Rappelez-vous si vous avez pris vos vacances près des grandes cités grecques ou des grandes cités du moyen Orient : elles sont entourées de paysages caillouteux. Pensez-vous vraiment qu’on a mis ces villes ailleurs qu’au milieu de grandes plaine fertiles capables de les nourrir ? Là, vous avez 5000 ans de labour et là vous êtes arrivés à la roche. Il reste encore du sol, mais l’érosion n’a cessé de se développer depuis que l’homme est homme. Nos anciens n’ont pas fait une erreur à court terme. A court terme le labour désherbe, aère, rend poreux et remonte la fertilité. Mais à moyen et long terme, le labour perturbe la vie du sol, détruit la matière organique, provoque une érosion accrue.

Quant au glyphosate… « Quitte à agir, ce serait bien de s’en débarrasser. La viabilité des spores de champignons mycorhiziens est réduite en présence de glyphosate et il tue les cocons des vers de terre. Mais avec du glyphosate ça se passe quand même mieux qu’avec du labour. Et donc à mon sens l’ordre d’urgence de la sortie des gestes toxiques c’est arrêter le labour puis à terme arrêter le glyphosate avec si possible une solution alternative entre-temps. »

Quand une plante est en présence d’engrais minéraux, elle n’a plus besoin de payer les champignons pour faire les courses. Résultat : elle les congédie. En conséquence, il y a moins de champignons mycorhiziens dans les sols mais toujours autant de pathogènes. Finalement : la plante a besoin d’engrais et elle est plus sensible aux maladies !

Marc-André Selosse crée alors le lien de cause à effet suivant : les engrais appellent les pesticides. Il en déduit qu’il est temps de rompre ces dépendances, et qu’en l’occurrence, le fumier est notre espoir.

Conclusion

Marc-André Selosse conclut en ces mots. « Le sol est une formidable cathédrale du vivant, dont le fonctionnement assure de nombreuses fonctions dans la biosphère, y compris celle de nous nourrir. Aujourd’hui on peut revisiter certains de nos gestes à l’aune de notre connaissance de ce fonctionnement et déterminer que certains d’entre eux sont un peu, beaucoup, ou pas trop toxiques, et que d’autres façons de travailler sont des vecteurs d’espoir. »

Frédérique Hupin

L’entièreté de la conférence de Marc André Selosse est visible sur YouTube :

Conférence de Marc André Selosse au FA²C 2022 à Meux (Belgique)

Trois agriculteurs français témoignent en Belgique lors du FA²C

Pour cette 3ème édition du festival de l’agriculture de conservation et de l’agroécologie (FA²C), Greenotec a choisi de faire venir témoigner trois agriculteurs pionniers de ces techniques. Ces trois agriculteurs viennent de France. Ils ne sont pas pour autant plus en « avance » que certains agriculteurs belges en matière d’agriculture de conservation des sols ou d’agroécologie. Ils ont été choisis parce que dans le monde agricole, on écoute parfois différemment celui qui vient de l’étranger, on le voit peut-être plus facilement comme une personne avec qui échanger. Malgré leur nationalité différente, ils proviennent de régions où les cultures et les élevages sont sensiblement proches de ceux que nous connaissons en Belgique.

Marc Lefebvre vient de Guînes, commune située dans le département du Pas-de-Calais en région Hauts-de-France. Le territoire de la commune est situé dans le parc naturel régional des Caps et Marais d'Opale. Ses sols évoluent entre les limons, les argilo-calcaires et les calcaires.

Victor Leforestier vient de Ermenouville, commune française située dans le département de la Seine-Maritime en région Normandie (Pays de Caux). Ses sols sont plutôt limoneux (10% d’argile).

Kevin Morel vient de Vroil, commune française située dans le département de la Marne, en région Grand Est. Il est en partie sur des limons hydromorphes (avec sous-sol argileux) et en partie sur des terres inondables à 40% d’argile.

Maps

Résumé de la conference de Marc Lefebvre

Marc Lefebvre pratique l’agriculture de conservation des sols depuis 20 ans. Il est en semis direct. Depuis quelques années il a mis en place de l'agroforesterie intra parcellaire sur 50 hectares. Marc est aussi président de l'APAD 62 (Association pour la Promotion d'une Agriculture Durable).

Les points abordés sont :

  • Historique ACS (20ans)
  • Semis direct de blé et de pommes de terre
  • Agroforesterie et impact sur les populations de carabes

La SAU de la ferme de 190 hectares est emblavée principalement en blé (B), escourgeon (E), colza (C), pommes de terre (PDT), lin fibre d’hiver (L), orge de printemps (O), féverole (Fl), fève (F). Les intercultures courtes (ICC) et les intercultures longues (ICL) s’intercalent entre ces cultures dans la rotation.

Ses rotations types dépendent du type de sol. Sur limon battant : B-ICC/E-ICL/L/B/C/PDT. Sur sols argilo-calcaires : B-L/B/C/B-ICC/E-ICL/Fl. Sur sols calcaires : B-ICC/E-ICL/F/B-ICL/O

La ferme est proche d’une grande forêt domaniale et d’un sites de marais qui ont influencé les choix environnementaux de l’agriculteur situé dans un territoire où l’érosion est très présente.

Historique

Arrêt du labour en 1997, pulvérisations bas volume et utilisation d’un activateur de sol PRP. En 1998 il achète un décompacteur et passe aux TCS, « ce qui ne fut pas nécessairement une réussite dans mon cas » précise Marc Lefebvre. L’année d’après il réduit donc l’utilisation du décompacteur. En 2002, il couvre plus de 80% de ses sols avant le 15 octobre, action actée dans un contrat territorial. En 2007 il arrête la betterave car il ne parvient pas à la gérer sans abimer son sol. En 2009 il acquiert un semoir de semis direct (Semeato) et s’implique dans un projet de recherche (Agricobio) dont l’objectif est de comprendre la recolonisation de ses champs par la biodiversité fonctionnelle grâce à l’implantation de corridors biologiques. En 2012 il commence les 1ères plantations agroforestières qui s’échelonnent jusqu’en 2017.

Semis direct de blé après pomme de terre

Un problème rencontré : la dégradation des sols par le décompactage (avec une dent Michel, pas avec une dent à ailettes) après pomme de terre pour semer le blé. Conséquence : arrêt du décompactage entre pomme de terre et blé. Quel travail après pomme de terre ? Une patte d’oie posée sur le sol pour niveler. Sans oublier l’importance du choix de la plage météo : que le blé aie le temps de pointer avant la pluie.

Agroforesterie

La clé d’entrée dans l’agroforesterie, ce fût le projet Agricobio qui a validé l’efficacité des corridors biologiques. Mais ils étaient composés de bandes fleuries (3 ha), ce qui économiquement n’était pas valorisable. Ceci peut devenir différent si on remplit les corridors avec des arbres pour valoriser ces espaces. Les haies et arbres ont été implantés sur une plaine de 50 ha de grandes cultures.

3 types de plantations :

Du bois d’œuvre : chêne, tilleul, … une dizaine d’espèces, comblés avec des arbustes de « bourrage ».

Des lignes de fruitiers (pruniers, pommiers, poiriers) intercalés de petits fruits (groseilles, framboises, argousier, néflier).

Du saule et du bois à recéper pour la production de bois de chauffage ou de BRF pour l’utiliser directement sur les terres de la ferme. « Mon objectif, explique Marc Lefebvre, est de savoir quelle fertilité on peut aller chercher grâce au BRF. Rendez-vous dans trois ans pour en savoir plus ».

Cette superficie « atelier » bénéficie de comptages en tous genres : oiseaux, limaces, pucerons, carabes, vers de terre, hérissons, et autres auxiliaires.

« En quelques années on est passé de trois espèces de carabes à plus de 40 espèces ! » conclut Marc Lefebvre.

Le résumé du projet Agricobio :

http://lefebvre.e-monsite.com/medias/files/poster-avec-charte-graphique-parc-pdf-standard.pdf

Les résultats du projet Agricobio : https://www.researchgate.net/publication/275272473_AGRICOBIO_Agriculture_et_corridor_ecologique_a_Guines_-_Role_des_bandes_fleuries_et_des_haies_dans_la_protection_des_cultures

Agroforet

L’entièreté de la conférence de Marc Lefebvre est visible sur YouTube :

Conférence de Marc Lefebvre au FA²C 2022 à Meux (Belgique)

Résumé de la conference de Victor Leforestier

 

Victor l’annonce d’entrée de jeu : « J’ai un système plus intensif que Marc ». Pommes-de-terre, lin fibre, betterave sucrière, betterave rouge, … le tout sur 110 hectares. Avec un climat plutôt pluvieux, de gros problèmes d’érosion et une attention nécessaire sur la qualité des captages côtés phyto, nitrate et même turbidité. Pour peu, on se croirait en Belgique.

Victor arrête de labourer il y a 15 ans dans le but premier de gagner du temps puis de maintenir la matière organique dans les sols. Ensuite il passe par les étapes classiques des TCS en passant par le décompactage (« jamais fameuse cette étape » avoue-t-il) pour enfin atterrir sur les couverts multi-espèces, le premier outil à intégrer et à maîtriser. « Ce sont les couverts qui ont apporté le plus dans l’évolution de mon système, j’en mélange minimum 8 espèces dont 50% de légumineuses » explique Victor. « On s’est vite rendu compte qu’au plus le couvert est beau, au plus il est facile à détruire, au plus la culture pousse derrière ! » Semer les couverts 15 jours plus tôt, voire plus, apporte son lot d’avantages également : « en terme d’éléments recyclés dans le couvert, on en a deux fois plus. »

Victor a son franc parlé, autant le savoir, et ça gratte là où il faut. Le classique et sempiternel « chez nous c’est différent, on n’a pas les mêmes sols, on n’a pas les mêmes cultures » est balayé recta d’un « non ce n’est pas différent. L’agronomie est la même. L’important est de se mettre en position d’essayer ! »

Pour semer correctement les couverts (pour lesquels on a investi dans les semences), Victor transforme un déchaumeur à dents en lui ajoutant une trémie et des descentes de semences, en semoir à couverts (et à céréales).

Les betteraves en ACS ne font pas peur à Victor : « un beau couvert en précédent, un travail de la ligne au strip-till, de l’azote en localisé au semis de la betterave, et un rendement 100% conforme aux autres champs dans mon secteur. Le soucis majeur, c’est quand le prix est descendu à 25 € la tonne de betterave. Alors là, j’ai arrêté d’en semer ».

Au fur et à mesure que le système évoluait, les profondeurs de travail du sol ont fondu, pour en arriver à planter du lin de printemps avec un travail très superficiel.

Récemment il a testé les « bêches roulantes » en l’empruntant à un voisin. Tout matériel pour assurer la transition est loué, emprunté, transformé. Le seul achat est un semoir de semis direct Pottinger.

Depuis 2019 la ferme passe progressivement au bio. Ils produisent du plan de pomme de terre bio. « Pour ce genre de plant à haute valeur ajoutée, le meilleur rapport coût/qualité c’est le tamisage », assure Victor.  « Un tamis plus lent car les sols contiennent beaucoup de débris. ». La tamiseuse prépare le sol avant la plantation et enlève les cailloux et grosses mottes de la butte. « La peur des ravageurs en pomme de terre cultivées en ACS n’est pas justifiée. Ce qui fait la différence c’est la qualité du plant, résistant ou pas » rassure Victor.

Victor a remis de la prairie temporaire dans son système suite à un échange avec des collègues belges pour anticiper les problèmes de désherbage. En 2022 ils ont 25 ha de prairie temporaire « c’est comme un couvert x10 voire x100 ! » constate Victor, côté diversité de la vie du sol et de sa structure.

Une fois qu’ils avaient la prairie, ils avaient l’herbe. Après quelques ventes d’herbe ou d’échanges, ils ont réintégré l’élevage.

Les couverts restent vivant jusqu’au printemps, au cours duquel ils sont mulchés. L’objectif est de se passer du labour mais s’il faut passer une fois, pourquoi pas mais avec une bande témoin : « si c’est pour re labourer, alors on repasse au conventionnel, c’est plus facile » argumente Victor, pragmatique.

Des ferments lactiques sont introduits au moment de la destruction du couvert pour ensemencer le milieu, favoriser la décomposition de la matière organique et éviter les pathogènes.

Faire de l’ACS avec du glypho ou faire du bio avec de la prairie. Telle serait une question à creuser.

Et pour conclure, un extrait de la bible cité par Victor : « Celui qui marche en compagnie des sages devient sage, celui qui fréquente des hommes stupides se retrouve en mauvaise posture ».

Extrait que Victor commente : « Le chemin vers la construction de sols plus fertiles et de systèmes plus durables est sans fin. Mais si vous voulez y aller, il faut partir avec des gars intéressés, pas avec des gars qui disent ‘oui mais’. Sinon dans 10 ans vous êtes encore là et vous n’aurez rien fait. Bonne route ! »

Bonus

En fin de la séance de questions-réponses un petit clin d’œil de Victor Leforestier : « Le problème de la transition agroécologique, ce n’est pas le manque de filière, c’est le manque de temps que prennent les agriculteurs pour monter leurs propres filières avant que d’autres ne s’en occupent et ne prennent la marge. »

L’entièreté de la conférence de Victor Leforestier est visible sur YouTube :

Conférence de Victor Leforestier au FA²C 2022 à Meux (Belgique)

Résumé de la conférence de Kevin Morel

Kévin Morel est agriculteur et éleveur d’Aubracs/Charolaises en pâturage tournant dynamique. Il est en autonomie alimentaire et pratique le semis direct pour les cultures de blé et de soja.

Les points abordés lors de la conférence sont :

  • Historique
  • Réflexion élevage
  • Autonomie alimentaire
  • Pâturage tournant dynamique

Installé à l’âge de 20 ans sur une exploitation proche de celle de son père, Kevin a aujourd’hui 28 ans et est éleveur de bovins viande. A l’heure où l’élevage recule partout, Kévin en fait de plus en plus.

Il découvre l’ACS pendant son stage de BTS et n’en est jamais sorti. Le contexte pédologique de sa région (voir plus haut) ne lui a pas vraiment laissé le choix.

Toutes les terres sont en semis direct sauf le maïs qui est semé en strip-till. Le premier achat de semoir de Kévin fut directement un semoir de semis direct (Semeato, comme Marc).

Aujourd’hui en dehors des prairies temporaires et permanentes il ne lui reste que le blé, le soja et la chicorée fourragère, mais ça lui arrive de faire du maïs et du colza en fonction de la rotation.

Les bovins sont nourris uniquement à l’herbe 100% de l’année : 9 mois au pâturage, 3 mois à l’étable (zéro achat d’aliments). De la naissance à l’engraissement, pas de complément alimentaire.

Comment en est-il arrivé au pâturage tournant dynamique (PTD) ? La moitié de la ferme était déjà en prairie naturelle. Il voulait avoir un élevage rentable et cohérent avec l’ACS. Excès d’eau l’hiver, coteaux difficilement mécanisables. Les ingrédients étaient réunis.

Les bêtes ne restent pas plus de 3 jours (72 h) sur un même espace. Car après 72h l’herbe repousse. Si la vache l’ingère à ce moment-là, on est dans une situation de surpâturage. On veut laisser un temps de repousse suffisant entre chaque coupe (réalisée par les bêtes) pour ne pas épuiser l’herbe et qu’elle donne le meilleur d’elle-même. Après la coupe, la repousse est exponentielle. Le temps de repousse est  variable : minimum 25 jours, et jusqu’à 3 mois. La théorie néozélandaise dit : les animaux doivent rentrer dans une prairie à 3000 kilos de matière sèche et en sortir quand il reste 1500 kilos.

La fertilisation des prairies : 30 unités d’azote en sortie d’hiver (février), puis plus rien sauf les restitutions des animaux au pâturage. Ensuite le système tourne tout seul. On voit ici l’importance du pâturage tournant sur la possibilité de fertiliser faiblement. En pâturage libre, les animaux se couchent au même endroit (sur le plat, terre déjà riche, pas sur le coteau), défèquent à ce même endroit, surpâturent certaines zones.

Pâturage en couloir (techno-grazing)

Le gros poste à gérer : les clôtures et leur déplacement.

Les parcelles sont découpées en couloirs dans le sens de la longueur avec des clôtures électriques (en fil d’acier résistant, nécessitant moins de piquets). Les couloirs font 40 à 60m. Chaque jour, Kevin déplace le fil arrière. Le fil avant devient le fil arrière du lendemain.

Important dans ce système : l’accès à l’eau ! Il faut créer des réseaux d’eau.

Pour ce faire, Kévin utilise des tuyaux noirs en polyéthylène. Problème : l’été ça chauffe, l’hiver ça gèle. Solution : les tuyaux sont enterrés avec une sous-soleuse. L’abreuvoir de 70 litres (moins de 10 kg  vide) est déplacé chaque jour.

L’eau du réseau n’était pas suffisamment accessible. Mais de nombreuses sources sont présentes, ainsi que des ruisseaux. Kévin a créé des systèmes de pompage. L’électricité (pour les clôtures et l’abreuvoir) est produite par des panneaux solaires.

A la reprise de l’exploitation, le troupeau était composé de charolais avec quelques croisements limousins. Aujourd’hui Kévin oriente tout le troupeau vers l’Aubrac, par absorption : pas d’achat de bêtes, juste un taureau.

Kévin est naisseur-engraisseur : 70 vêlages par an, les mâles sont castrés (Kévin a arrêté les broutards), toute la suite est conservée. Total 250 bêtes. Objectif : 300. Pas d’insémination artificielle, cinq taureaux font le travail. Une bonne bête selon Kévin est une bête qui donne un veau par an et dont on n’entend plus parler par la suite (vêlage naturel en pâture, tétée naturelle). Kévin n’est pas là au moment du vêlage : « si ça se passe mal… ça se passe très mal », ironise-t-il.

L’engraissement l’hiver est réalisé au foin « extra » (ou enrubanné), fauché entre deux tours de pâturage.

Toute la viande est valorisée en circuit court : à la ferme ou vers des boucheries parisiennes et d’ailleurs.

Les étés sont de plus en plus secs. Kévin a implanté des prairies sur base de chicorée sauvage (chicorée fourragère non sélectionnée) et de trèfle d’Alexandrie. A faire sur sols profonds avec réserve en eau : la chicorée est capable d’aller puiser en profondeur. L’inconvénient est la montée en fleur dès la deuxième année avec une plante qui monte à 3 m de haut et à tige très dure, inmangeable. C’est ainsi que Kévin resème la chicorée (et le trèfle) chaque année. A l’automne, elle est détruite pour en faire un blé (ou éventuellement un maïs).

Lors d’épisodes de sécheresse, l’herbe est cramée. Kévin se crée un stock sur pied avec de l’herbe haute, épiée, desséchée : de la paille sur pied. Les feuilles ne sont plus là, le stock de nourriture est dans la tige. En outre, les semences tombent et la prairie se resème naturellement.

Kévin pratique également le pâturage des couverts végétaux.  Kévin nous met en garde de ne pas pâturer n’importe quel couvert avec des bovins (ce qui n’est pas le cas avec des ovins) qui sont plus sélectifs. En outre, certaines plantes (radis fourrager en fleur, phacélie) ne leur conviennent pas. Sa base : avoine brésilienne, vesce, pois fourrager, trèfle d’Alexandrie (et tous les autres trèfles).

L’entièreté de la conférence de Kevin Morel est visible sur YouTube :

Conférence de Kévin Morel au FA²C 2022 à Meux (Belgique)