Johan Baland, La Goutte du Gad Bourgeois à Chièvres

portraitLa goutte du Gad Bourgeois

Chièvres, Hainaut

Exploitation en grandes cultures

Assolement : froment d’hiver, épeautre, orge, betteraves, pomme-de-terre, colza, lin.

Production d’huile de colza

"Je suis entré sur la ferme familiale de mon père, qui la tenait de son père, il y a 25 ans. Nous nous sommes intéressés au non-labour dans les années 90, d’abord pour les céréales, ensuite pour l’ensemble des cultures. Cette conversion a été motivée par des phénomènes de stagnation de l’eau sur les terres argileuses et de battance sur les terres limoneuses. De plus, nos terres sont assez légères, ce qui compliquait les labours d’hiver, tandis que les labours de printemps constituaient un surplus de travail en période intense. Le labour a, dans un premier temps, été remplacé par un décompactage, puis par des pratiques de TCS de plus en plus légères.

Il y a 25 ans, nous avons commencé à implanter des couverts de moutarde seule, puis de phacélie seule. Plus tard, nous avons ajouté de l’avoine, puis constitué des mélanges plus diversifiés, variant selon la rotation. La production fermière des semences de couverts permettrait de réduire les coûts et d’implanter des plantes bien adaptées au contexte local.

Je fonctionne en traitements bas-volumes, surtout pour les fongicides et insecticides. Au long de ma carrière, j’ai donc considérablement réduit les volumes de produits phytosanitaires appliqués sur mes terres (mais sans réduction du nombre de passages). Misant sur la nutrition des plantes, d’abord avec PRP, je travaille aujourd’hui avec TMCE. Depuis 16 ans, je peux me passer d’insecticide de sol et de phosphore chimique, tandis que j’ai fortement réduit l’apport de potasse.

colza SDEn 2008, nous avons acquis un semoir Horsh Pronto. Moins on décompactait, moins on en avait besoin… En 2020, j’ai acheté un semoir à dents pour le semis direct et ça complète bien le Pronto. J’ai également adapté la rotation pour abandonner la culture de chicorée, qui se récolte trop tardivement, et de légumes, qui souffrent trop de la sécheresse. Cela m’a amené à  introduire le colza, dont je maîtrise l’ensemble de l’itinéraire, du semis à la récolte. Je sème donc en direct certaines de mes cultures (blé, colza…), tandis que d’autres nécessite un travail du sol plus ou moins léger (betterave, pomme-de-terre).

Colza associe 4Le TCS me permet, avec un peu d’organisation, de cultiver seul l’ensemble de l’exploitation. Pour cela, il faut profiter un maximum des conditions climatiques idéales. J’ai également réduit ma consommation de carburant grâce à l’abandon du labour et du décompactage. Cependant, par rapport aux investissements et au temps de travail, les revenus d’un agriculteur restent faibles. De plus, c’est l’acheteur qui fixe les prix de vente, tandis que les prix des terres grimpent. Depuis 2-3 ans, je me disais donc qu’il fallait que je fasse quelque chose d’original pour tirer mon épingle du jeu. Comme je suis l’un des seuls producteurs de colza de la région et que je ne connais pas en Wallonie d’agriculteurs qui font de la transformation fermière de colza de A à Z, je me suis tourné vers la production d’huile de colza."

 

PresseSi sa presse provient de Suède, c’est en Suisse que Johan a puisé les informations nécessaires pour mener à bien son projet. Après de longues recherches sur internet et de nombreux appels téléphoniques, il a installé tout le matériel nécessaire pour produire son huile de colza à la ferme. Les graines restent d’abord 2 mois en dormance après la moisson, dans le silo. Pour maximiser la qualité du produit (en termes d’Omega 3 et 9 et de vitamines), au détriment du rendement (environ 30%), il a opté pour un pressage à froid. S’ensuit une étape de décantation naturelle pendant 5 à 6 semaines, permettant un goût plus doux et une couleur limpide, par rapport à la filtration forcée.

Pour rentabiliser son investissement, Johan, avec l’aide de son épouse Vanessa pour le marketing et la commercialisation, vise à transformer un hectare de colza par an, ce qui représente environ 1500 L d’huile. Le surplus de travail réside dans le stockage, le tri, la surveillance de la presse qui tourne seule en continu, le nettoyage… Grâce à une embouteilleuse automatique, 80 bouteilles sont remplies à l’heure, mais l’étiquetage se fait à la main.

huile de colzaLes débouchés sont principalement des épiceries fines de produits locaux et les magasins de fermes voisines. C’est à la suite du reportage de la TV locale et à sa page facebook que les magasins ont contacté Johan spontanément. D’après lui, le consommateur n’est pas encore prêt à discerner l’agriculture de conservation de l’agriculture conventionnelle et de la bio. Sur l’étiquette de la bouteille est donc indiqué « issue de l’agriculture raisonnée ». Mais auprès des magasins, Johan communique, à l’aide d’une fiche, sur ses procédés en agriculture de conservation : « sans labour depuis plus de 20 ans ». Il insiste sur la facette « fermier, naturel et local », qui lui permettent de se démarquer de ce qui existe sur le marché. Bientôt, Johan se penchera sur le conditionnement en vrac. Cependant, la plus grande partie de sa production de colza est vendue à une coopérative en France qui l’enverra en usine de trituration. Johan rêverait d’une valorisation complète de ses produits issus de l’agriculture de conservation en Wallonie.

Colza associe 2Les principes de l’agriculture de conservation conviennent très bien à la culture du colza. L’association avec des plantes compagnes camoufle dès l’automne les pousses de colza aux yeux de ses ravageurs les plus dommageables. Johan ne pulvérise donc plus d’insecticides sur ses colzas depuis 5 ans. Ces plantes compagnes sont habituellement : luzerne, trèfle blanc, tournesol, féverole, fénugrec, vesce… Certaines vont geler à l’hiver, laissant au colza la place pour se développer, d’autres vont résister à l’ombre de celui-ci, pour se redévelopper et couvrir le sol après la moisson. C’est dans ce couvert que sera semé directement le blé, sans aucun travail du sol. Cette année, Johan a choisi de remplacer le traditionnel trèfle blanc par de la luzerne, car elle devrait mieux résister aux sécheresses de l’été.

tourteauJohan a également fait pâturer les repousses de colza dans le trèfle par les moutons d’une ferme voisine. C’est un échange de bons procédés : les moutons profitent d’une nutrition de qualité en attendant de pouvoir se tourner vers les couverts d’interculture, tout en nettoyant la parcelle des adventices, en calmant la légumineuse en place et en restituant des nutriments via leurs excréments. De plus, le tourteau de colza résultant de la presse est échangé avec du fumier auprès d’un éleveur voisin qui veut s’affranchir de soja dans la ration de son troupeau.

Johan est toujours à la recherche d’amélioration de son système. Il met en place des essais de plantes compagnes en pomme de terre et, pour valoriser ses pratiques, il s’intéresse à une rémunération du carbone qu’il stocke dans ses sols.