Petite faune plaines

Concevoir sa culture intermédiaire aussi en faveur de la petite faune des plaines

1. Introduction

L’impact positif des cultures intermédiaires sur ces deux défis environnementaux que sont la lutte contre les excès de nitrates dans les nappes et la lutte contre l’érosion hydrique des sols n’est assurément plus à démontrer. Par contre, l’intérêt de celles-ci pour la petite faune des plaines est une question nettement moins fréquemment abordée.

Dans un communiqué de presse datant de décembre 2008, les associations European Bird Census Council et BirdLife International insistaient une fois de plus sur le déclin très prononcé (presque la moitié !) de la biodiversité avifaunistique au sein de nos campagnes européennes depuis les années 1980, tel que le représente le trait à points rouges sur la figure ci-contre sur laquelle nous vous invitons à cliquer (A biodiversity indicator for Europe : wild bird indicator 2008 - Indicateur de biodiversité pour l’Europe, statut des oiseaux sauvages établi par l’EBCC en 2008).

Agronomie, environnement, législation : pourquoi ne pas tenter de combiner l’ensemble pour essayer de limiter cet effondrement ?

2. Cultures intermédiaires et petite faune des plaines

2.1. L’enquête
Source de nourriture, protection contre les intempéries, abris contre les prédateurs, zones de repos pour les oiseaux en migration seraient autant d’intérêts potentiels des cultures intermédiaires en faveur de la petite faune des plaines. Qui plus est, elles peuvent certainement apporter une réponse au manque de couvert en arrière saison et satisfaire ainsi à l’exercice de la chasse.
En collaboration avec l’ASBL Faune & Biotopes, l’association Greenotec a interrogé au mois de décembre 2008 une quinzaine de personnes identifiées en tant que personnes ressources dans ce domaine (agriculteurs, conseillers agricoles, chasseurs), tout particulièrement sur les caractéristiques du couvert recherchées pour optimiser son rôle cynégétique, ou plus largement faunistique.
A noter qu’il a été volontairement fait abstraction des aménagements inter ou intra parcellaires (beetle bank, jachère-faune, etc.) dont l’intérêt pour la petite faune a été démontré à de très nombreuses reprises.
Si la qualité des couverts recherchés par les personnes sondées lors de cette modeste enquête (généralement passionnées et passionnantes) devait se résumer en deux mots, ce serait incontestablement pénétrabilité et diversité du couvert. Le choix des espèces, de leur mode de semis et de destruction, mais également leur répartition au sein de la parcelle constituent autant de leviers qui vont permettre d’agir sur ces deux paramètres.
2.2. Choix des espèces et des densités de semis
La densité du couvert doit être raisonnée pour lui assurer trois fonctions principales : 
  • un refuge contre les prédateurs, qui ne se transforme pas en piège si l’animal est débusqué ;
  • un gîte présentant des conditions aussi peu humides que possible, ce qui implique que les rayons solaires puissent atteindre le niveau du sol lors des éclaircies ;  
  • des voies de circulation aisées.
On ne peut cependant raisonnablement espérer du couvert d’interculture une source importante de nourriture (en tout cas pour l’avifaune) : les feuilles des légumineuses s’avèrent certes appétées (par l’alouette notamment), mais pour la majorité des couverts dont la production de graines est à éviter pour des raisons agronomiques, seules quelques folioles peuvent constituer un complément d’alimentation limité.

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En ce qui concerne la moutarde, toutes les personnes interrogées s’accordent sur le fait que les semis denses sont à proscrire pour la petite faune : les densités de semis conseillées excèdent rarement les 8 kg/ha, avoisinent généralement les 6 kg/ha voire moins. Attention toutefois aux densités faibles, qui dans l’hypothèse d’une mauvaise levée (semis peu soigneux, sécheresse après le semis) peuvent se solder par des reliquats azotés très importants. La fermeture d’une buse du semoir sur deux a été plusieurs fois citée comme un moyen pour accroître de surcroît la pénétrabilité des moutardes.

Le sanglier (le renard également) semble aussi particulièrement se plaire dans des plants de moutarde développés, ce qui, selon les objectifs recherchés par les gestionnaires de la parcelle, constitue tantôt un réel problème (déprédation de la petite faune, dégâts aux cultures voisines), tantôt un avantage certain (« tenir » les populations de sangliers pour mieux les contrôler).

Les moutardes denses sont également évitées chez plusieurs agriculteurs dont les terres servent à la chasse du petit gibier. Pour celle du faisan, on nous a fait part de préférences pour un broyage des moutardes dès la mi-novembre, ce qui ne peut se faire que sous des conditions très strictes réglementées le Programme de Gestion durable de l’Azote en Agriculture. Pour rappel, le PGDA impose l’implantation de couvertures de sol avant le 15 septembre, maintenues jusqu’au 30 novembre s’il y a eu apport de matières organiques après la moisson. En zone vulnérable, il faut également respecter un taux de couverture de 75% que l’on ne peut détruire avant le 1er décembre – plus d’infos sur www.nitrawal.be). Seuls peuvent donc être détruits dès la mi-novembre les couverts qui n’ont pas reçu d’apport de matières organiques et qui n’entrent pas dans les 75% de couverture.
Les chasseurs préférant le broyage dès la mi-novembre avancent les arguments suivants : 

  • d’évidentes difficultés de circulation et de visibilité pour le chasseur lui-même ;
  • des problèmes rencontrés avec des chiens de chasse dont les yeux souffriraient rapidement de lésions causées par des aspérités à la base des tiges des crucifères : ce problème n’aurait cependant été rencontré que très marginalement dans les moutardes (plus fréquemment dans le maïs).
La rumeur selon laquelle la consommation de feuilles de moutarde par les lièvres en absence d’autres sources de nourriture induirait divers problèmes sanitaires n’a pu être ni étayée ni démentie par aucune des personnes interrogées.
L’avoine serait particulièrement appréciée par les lièvres, ces derniers l’aimant tant comme source de nourriture que comme espace de vie leur permettant d’entendre, sentir et voir leurs prédateurs.
En ce qui concerne la phacélie par contre, l’unanimité des personnes sondées a prévalu en sa défaveur pour l’humidité trop importante qu’elle conserve à la surface du sol.
Le mélange d’espèces de cultures intermédiaires est une pratique rencontrée de plus en plus fréquemment dans nos campagnes mais qui n’a pas toujours donné les résultats escomptés du point de vue faunistique (couvert final généralement trop dense) chez les personnes interrogées. Pour notre part, nous avions eu l’occasion en 2006-2007 de mettre en place deux parcelles d’expérimentation et d’y recueillir l’avis d’un garde-chasse expérimenté : il est possible de consulter les mélanges testés et les commentaires sur le website de l’ASBL Greenotec en cliquant sur les liens suivants : essai CIM07-Sart-Messire-GuillaumeIII et essai CIM07-MelleryIII.
A propos de mélanges, on nous a également fait part d’idées intéressantes pour maintenir une pénétrabilité constante malgré la croissance des plantes mais qui se sont avérées complexes à mettre en pratique : c’est notamment le cas de l’adjonction d’espèces particulièrement sensibles au gel dans le mélange (sarrasin entre autres) vouées à succomber aux premières gelées blanches.
2.3. Répartition des couverts au sein de la parcelle

La juxtaposition de différents types de couverts au sein d’une même parcelle pour maximiser la petite faune sauvage, dans une optique cynégétique ou non, peut constituer un art en soi qui dépasse largement le cadre de notre enquête.

Toutefois, il est établi que l’implantation de différents couverts sur un même territoire s’avère favorable pour la faune, en multipliant l’effet lisière : nous nous permettrons de citer la métaphore d’un chasseur membre de Greenotec pour lequel les vastes étendues de moutarde sans discontinuité rencontrées depuis quelques années sont autant « de mers à traverser pour souvent revenir bredouille ».

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Pour ce faire, différentes méthodes nous ont été confiées :

  • le maintien de quelques placeaux non déchaumés ou non semés au sein de la parcelle, en relevant de temps en temps l’outil ou le semoir (les éteules constituant certainement une des meilleurs sources de nourriture pour l’avifaune des plaines) ;
  • la juxtaposition de bandes de différentes espèces ;
  • le décalage dans le temps du semis d’une même espèce influençant ainsi leur développement final et donc le parcellaire résultant ;
  • une alternance dans l’espace de modes de destruction (maintien du couvert en place / broyage / labour), très intéressante surtout pour une espèce comme le lièvre qui se gîte volontiers au sein d’un labour hivernal.
Nous convenons cependant de la difficulté, voire de l’impossibilité de concilier certaines de ces méthodes en faveur de la petite faune et les impératifs liés à la production agricole. Les vitesses de ressuyage du sol sous les couverts pouvant parfois être très différentes, le semis de la culture de printemps peut s’avérer un véritable casse-tête !
2.4. Destruction des couverts
Il semble évident que tous les efforts en faveur du développement de la petite faune des plaines s’avéreraient vains si la destruction des cultures intermédiaires n’était pas réfléchie aussi dans ce sens.
En tout état de cause, il faut à tout prix éviter de les détruire mécaniquement en soirée ou pendant la nuit pour éviter de décimer les animaux qui y seraient remisés. Dans la mesure du possible, il faut également privilégier une destruction du centre de la parcelle vers l’extérieur et par bandes plutôt que de débuter par les bords de la parcelle, et idéalement à vitesse réduite.
Nous n’avons pu trouver aucune information sur l’impact potentiel des destructions chimiques sur la petite faune. .

3. Conclusions

Agronomie, législation et petite faune des plaines : l’expérience nous apprend qu’il est effectivement possible de combiner ces trois objectifs par une conception raisonnée de sa culture intermédiaire même si l’exercice peut s’avérer complexe. Le sujet semble cependant assez récent et des recherches en ce sens devraient permettre de mieux cerner les enjeux.

Article rédigé le 15/01/2009 par A. Hulpiau (ASBL Greenotec), E. Montignies (ASBL Faune & Biotopes) et S. Weykmans (ASBL Greenotec) avec la précieuse expérience de F. Panier et l’aimable collaboration de nombreux partenaires et membres de l’ASBL Greenotec qu’il serait impossible de nommer in extenso.

 

Source bibliographique :
HERPOEL H., GREGORY R., VORISEK P. (2008). Europe’s farmland birds continue to suffer from agriculture policy – EU unlikely to meet its 2010 biodiversity target. Media Release. Brussels and Prague : European Bird Census Council and BirdLife International, 2nd December 2008, 5 p.

 

 

 

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Publié le: 2009-02-02