Echecs nyger 2007

Nyger : comment expliquer les échecs rencontrés en Belgique en 2007 ?

1. Contexte

Le nyger (Guizotia abyssinica (L.f.) Cass.), également connu sous l'appellation commerciale Azo-Fix est une plante d’origine subtropicale introduite en France il y a quelques années en tant que culture intermédiaire (photo de droite : parcelle de nyger à Wasmes-Audemez-Briffoeil photographiée le 04/11/2006).
Si l’on se réfère à la présentation qui en est faite par une société qui la commercialise en France, les principaux avantages de cette espèce de la famille des Astéracées (ou Composées, qui comprend le tournesol et la chicorée entre autres) seraient son pouvoir restructurant, sa capacité à « pomper » les reliquats d’azote ainsi que sa résistance à la sécheresse. On note également qu’elle gèle à zéro degré, ce qui, en fonction de son utilisation, peut constituer tantôt un avantage (destruction sans glyphosate) tantôt un inconvénient (développement important des adventices dans les parcelles connaissant une période de redoux suite aux premières gelées blanches).

Nyger

Largement vendue durant la saison 2007 car affichée à un coût de semences très attractif, cette espèce s’est révélée extrêmement capricieuse dans bon nombre de champs en Belgique, soit dès la levée avec des taux de germination particulièrement faibles voire nuls, soit en cours de croissance avec des plantules végétant, jaunissant et finissant parfois par mourir.

Comment expliquer ces échecs ? Quid  de l’utilisation de sulfonylurées sur le précédent paille ? Sans prétention d’en  découvrir toutes les causes, nous avons mené notre petite enquête.

2. Les investigations

De précieux renseignements ont pu être obtenus auprès d’une société française commercialisant des semences de nyger (Sem-Partners) par l’intermédiaire de Mr J.-C. Renaudat, ainsi que sur un forum Internet de TCistes en France (Agricool).

Pour compléter cette collecte d’informations ont été interrogés par téléphone une douzaine d’agriculteurs ayant connu des problèmes avec le nyger et principalement localisés dans la partie orientale du Hainaut et en Brabant wallon (Belgique).

 

Leurs motivations à l’égard de cette espèce étaient principalement expliquées par la couverture obligatoire des sols du Programme de Gestion durable de l’Azote en agriculture (PGDA). L’enquête reprenait des questions sur le type de sol, le mode d’implantation et la date de semis, les types d’herbicides employés sur le précédent, l’apport de fumier ainsi que les symptômes qui avaient pu être observés sur le nyger.

 

3. Résultats

Les problèmes de levée et de croissance de nyger en Belgique en 2007 seraient dus à plusieurs facteurs synthétisés dans les trois paragraphes suivants.

3.1      La météo peu clémente de l’été 2007 serait une première cause d’échec 

L’été 2007, correspondant au lancement de cette espèce, a été anormalement froid en Belgique et dans le Nord de la France. Il n’était pas rare de connaître des températures au levé du jour de 5-6 °C avec des maxima en cours de journée ne dépassant pas les 15 °C. De surcroît, les récoltes tardives ont engendré des semis de couverts tardifs. Il va de soi qu’une plante d’origine tropicale ne trouve pas dans ce contexte les conditions de chaleur nécessaires à son développement.
Pour appuyer cette hypothèse, on notera que les problèmes de croissance n’ont été que très rarement observés au sud de la Seine. L’importance primordiale de la chaleur a également pu être mise en exergue dans un champ de démonstration de l’ASBL Nitrawal à Sainte-Marie (Belgique, commune de Perwez) où du nyger a été semé à trois dates successives, toutes les autres conditions étant égales par ailleurs. Les trois photos ci-dessous ont été prises début novembre 2007 après la première gelée blanche : les plantes se sont très bien développées pour le semis de fin juillet, moyennement pour le semis d’août alors qu’aucune semence n’a germée en septembre.

Pdc 31

Pdc 21

Pdc 11

3.2      Des résidus d’herbicides constitueraient une deuxième raison de l’échec

La météo ne serait pas l’unique raison de l’échec : parmi les agriculteurs sondés, il en est un chez qui du nyger semé au 10 juillet après escourgeon n’atteindra que 25 cm de hauteur ! Certaines molécules de la famille des sulfonylurées sont montrées du doigt et expliqueraient certains échecs lors du semis de nyger sans labour préalable. L’expérience de Monsieur J.-C. Renaudat en France nous apprend cependant qu’il faut considérer plus précisément la nature des molécules incriminées, leur dose et la date d’application sur le précédent céréale :

  • les résidus de sulfonylurées à base de propoxycarbazone seraient les plus nocifs vis-à-vis du nyger ;

  • concernant la date d’application, les désherbages avant le 15 mars n’engendreraient pas (ou très peu) de risque, ni les désherbages de rattrapage entre le 15 mars et le 15 avril au tiers voire à la moitié de la dose ; pour les rattrapages après le 15 avril, le risque serait fortement dépendant de la pluviométrie jusqu’à la récolte : 300 mm de pluie écarteraient fortement le risque de blocage du nyger (plus grande est la pluviométrie et plus grande serait la mobilité de la molécule et des micro-organismes de dégradation dans le sol, diminuant ainsi la concentration et la rémanence des herbicides).

3.3     D'autres causes plus évidentes

A ces deux causes probables s’ajoutent d’autres éléments permettant d’expliquer ce qui s’est passé chez des agriculteurs enquêtés et qui sont nettement mieux connus car préalablement rencontrés avec d’autres espèces de couverts : 

  • des techniques de semis peu appropriées, notamment à la volée sans recouvrement : ce mode de semis convenant bien pour la moutarde ne l’est pas pour la phacélie, espèce aux semences de petite taille comme le nyger ; les opérations réalisées avec un combiné herse rotative - semoir avec une profondeur de semences de 1 cm ont dans la plupart des cas donné une levée satisfaisante ;
  • dans certaines situations une concurrence exacerbée de la paille en surface vis-à-vis de l’azote (observations fréquentes en couverts de moutarde) ;
  • une pression très élevée des limaces vis-à-vis de nombreux couverts en 2007 dont le nyger mais de très graves dégâts ont également pu être observés dans des couverts de tournesol.

 

4. Conclusions et recommandations

Pour les agriculteurs qui seraient intéressés d’utiliser le nyger comme culture intermédiaire entre une céréale et une culture de printemps, il est recommandé, dans les conditions pédoclimatiques de la Wallonie, de procéder au semis (en ligne) avant le 5 août pour éviter de connaître des problèmes de croissance et d’être particulièrement vigilant dans les situations où le précédent à paille a été désherbé avec des molécules de la famille des sulfonylurées.
Nous nous permettons d’insister d’autant plus qu’à partir de 2008, à l’obligation de « moyens » en matière de lutte contre le lessivage des nitrates en zone vulnérable (en l’occurrence la couverture obligatoire des sols) s’est ajoutée une obligation de « résultats » contrôlée par les mesures d’APL (Azote Potentiellement Lessivable) à l’arrière-saison.

Cette interculture doit également être envisagée avec la plus grande prudence avant une culture de chicorée : nous avons pu observer dans plusieurs champs en 2007 des repousses de nyger très difficilement contrôlables avec des herbicides généralement très performants pour cette culture (le nyger et la chicorée appartiennent tous deux à la famille des Astéracées). La photo de droite (repousses de nyger dans une parcelle de chicorée) a été prise en juillet 2007 à Milmort.

Il faut toutefois éviter de bannir le nyger dans la mesure où cette espèce, très sensible au gel, pourrait peut-être se révéler (nous n'avons personnellement pas eu l'occasion de le tester) une excellente plante d’interculture entre deux céréales ou après la récolte de pois de conserverie dans des situations où la nécessité de recycler un maximum de nitrates se doublerait d’un souci de limitation de l’emploi du glyphosate !

Repouses nyger dans chicoree industrielle

Article rédigé le 04/07/2008 par Nicolas Lefebvre et Sébastien Weykmans (ASBL Greenotec), avec l’aimable collaboration de J.-C. Renaudat (Sem-Partners).

 

 

Sources bibliographiques :

 

 

 

 

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Publié le: 2008-07-07