Techniques de semis 2009 & 2010

Moutarde : attention à la qualité du semis !

Introduction

Certains agriculteurs voient dans le semis de la culture intermédiaire une contrainte dont il faut s'affranchir le plus vite possible, d'autres y vouent un véritable sacerdoce. Il ne faut dès lors pas s'étonner de la grande diversité des pratiques mises en œuvre sur le terrain.

Pourtant, le choix de l'une ou l'autre technique n'est pas sans conséquence que ce soit sur le développement de la culture intermédiaire elle-même, sur la quantité totale d'azote qu'elle piégera (ou au contraire, qui sera minéralisée) et in fine sur la réussite de la culture qui suivra.

Pour comparer les performances relatives des techniques d'implantation envisageables pour la moutarde blanche (culture intermédiaire la plus utilisée en Wallonie), Nitrawal et Greenotec ont conduit en 2009 et 2010 sur des terres argilo-limoneuses de la commune de Perwez (Centre de Référence et d'Expérimentation de Michel Pierard) deux essais au protocole expérimental similaire. Les recommandations développées ci-dessous ne sont valables que pour la moutarde blanche et non pas pour les autres espèces de cultures intermédiaires, semées seules ou en mélange, qui elles aussi pourraient

Itinéraires techniques testés en 2009 et 2010

En 2009 et 2010, les essais ont été mis en place sur un précédent froment d'hiver et après un déchaumage uniforme sitôt la paille enlevée. Aucun engrais, ni organique, ni minéral, n'a été épandu après la moisson. Il a été résolument décidé de semer la moutarde (8 kg/ha) dès que les conditions climatiques le permettaient à partir du 20 août et en tout état de cause, avant le 15 septembre pour respecter la deadline des législations régissant les cultures intermédiaires en Wallonie (essai 2009 : 24 août ; essai 2010 : 11 septembre).

Les différents objets en comparaison sont les suivants :

  • Le premier objet expérimental (objet T1) est le témoin constitué par les repousses de froment d’hiver uniquement.
  • L'objet T2 (semis rapide), uniquement testé en 2009, vise à allier tant la rapidité d'exécution (minimum de passages à grande vitesse) que la qualité du semis. Le seul travail du sol qui ait été réalisé après le premier déchaumage est celui du double train de disques situé dans la partie antérieure du semoir. Le semis a été réalisé aux alentours de 15 km/h.
  • Les objets T3 et T5 illustrent la technique visant à semer la moutarde blanche à la volée soit après un déchaumage préalable (cas de l'objet T3), soit après un labour (cas de l'objet T5) mais sans recouvrement par la suite.
  • Les objets T4 et T6 ont, quant à eux, été semés à l'aide d'un combiné herse rotative + semoir soit après déchaumage (T4), soit après labour (T6).
  • L’objet T7, uniquement testé en 2010, est un semis de moutarde lors du décompactage après un second déchaumage (technique très répandue chez les adeptes du non-labour).
Enfin, l’objet T8 (uniquement mis en place en 2010) constitue un témoin « sol nu » (destruction de toutes les repousses de la culture précédente par décdéchaumage et par pulvérisation de glyphosate).
 Variante  T1  T2  T3  T4  T5
 Travail du sol après le premier déchaumage uniforme /  Travail des disques dans la partie antérieure du semoir rapide Second déchaumage Second déchaumage + préparation herse rotative Labour
 Technique de semis  /  Semoir en ligne rapide à disques  Semoir à la volée sur quad  Semoir en ligne à disques  Semoir à la volée sur quad
 Culture intermédiaire  Repousses de froment d'hiver  Moutarde blanche (8 kg/ha)  Moutarde blanche (≈ 8 kg/ha)  Moutarde blanche (8 kg/ha)  Moutarde blanche (≈ 8 kg/ha)
  Photo (cliquer sur l'image pour l'agrandir)  /  Maleves sainte marie wastines 24  Cr crogn t3 1  Cr t4 6  Cr crogn bis t5 7

 

 Variante  T6   T7  T8
 Travail du sol après le premier déchaumage uniforme  Labour + préparation herse rotative  Second déchaumage + décompactage  Second déchaumage 
 Technique de semis  Semoir en ligne à disques  Caisse de semoir en ligne sur décompacteur  / 
 Culture intermédiaire  Moutarde blanche (8 kg/ha)  Moutarde blanche (8 kg/ha)  /
  Photo (cliquer sur l'image pour l'agrandir)  Cr t6 11  Cr t7 11  /

Résultats

Des performances agronomiques très contrastées...

 

Essais cim09 msmwii cim 10 orbaisiv levee finale 1

 

 

 

 Ccomp diaporamatxc 1

La levée finale de la moutarde blanche dans les deux essais est présentée de manière chiffrée dans le graphique ci-contre (cliquer dessus pour l’agrandir, à l’instar des autres figures) et illustrée par ailleurs dans le photomontage en-dessous (photos prises en 2009).

En ce qui concerne les levées, deux groupes se distinguent aisément :

  • T3 et T5 d'une part (semis à la volée), avec des levées finales moyennes qui ne dépassent pas 30 plantes par m² ni en 2009, ni en 2010 ;
  • T2, T4, T6 et T7 d'autre part (c.-à.-d toutes les autres techniques) avec de levées finales comprises approximativement entre 60 et 70 plantes par m² en 2009 et 2010.
En 2009, le fait majeur qui a caractérisé la levée et la croissance de la moutarde est incontestablement la faiblesse de précipitations au cours des semaines qui ont suivi le semis. Dans ce contexte, la qualité de la préparation et du semis, mais encore plus le rappui du lit de semences ont joué un rôle capital : c’est la restauration de la capillarité du sol qui a conditionné la réussite de la levée de la moutarde. Les meilleurs résultats sont obtenus dans les itinéraires T2, T4 et T6 mettant en œuvre respectivement un rouleau packer à pneus d'une part et un rouleau à spires d'autre part.

En 2010, les semis ont été réalisés dans des conditions très humides (250 litres/m² entre le début du mois d’août et le jour du semis) et donc diamétralement opposées à celle de l’année précédente. Pourtant, les résultats des quatre objets testés (T3 à T6) les deux années donnent des résultats quasi identiques.

Un autre enseignement important a trait à la cinétique des levées, évaluée à une fréquence hebdomadaire du semis à la fin octobre : il a été constaté que la moutarde qui n’a pas démarré directement après le semis n’a plus levé par la suite même avec le retour de précipitations comme ce fût le cas vers le milieu du mois de septembre en 2009, et ce, à la grande différence de ce qui a pu être observé dans d'autres essais à base d'avoine de printemps où des levées échelonnées ont été observées.

En 2009, on aurait pu expliquer ces résultats par le phénomène du "germé - crevé" : les rosées de fin août/ début septembre auraient amorcé la germination des semences de moutarde mais la pluie n'aurait pas pris suffisamment vite le relais pour assurer l’alimentation hydrique, d’où la destruction des germes. Cette tentative d’explication tombe cependant au regard des résultats de 2010 et la raison en reste inconnue. 

... conduisant à des résultats APL qui le sont tout autant...

Essais cim09 msmwii cim10orbaisiv apl 1

Les résultats des mesures APL (Azote Potentiellement Lessivable) en entrée d'hiver sont présentés dans le graphique ci-contre.

En 2009, on distingue à nouveau deux groupes :
- les objets T2, T4 et T6, qui, avec de bonnes levées, ont pratiquement complètement épuisé l'azote nitrique du sol ;

- les objets T1 (repousses), T3 et T5 (levées médiocres) avec des profils plus riches en azote.

En 2010, l'analyse des résultats des prélèvements fait ressortir les mêmes tendances :

- les meilleurs résultats sont obtenus dans les objets qui se sont caractérisés par de bonnes levées, en l'occurrence T4,  T6 et T7 ;

- les moins bons résultats sont obtenus pour les repousses et pour les deux objets à base de moutarde (T3 et T5) qui ont connu une levée médiocre.

Les deux années, si on ne considère pas le témoin « sol nu » (T8), les résultats les plus médiocres sont toujours obtenus pour l'objet T5 (labour suivi d'un semis à la volée) avec des valeurs supérieures au témoin constitué par les seules repousses de froment d'hiver (T1) ! Ce constat peut s'expliquer assez logiquement : la minéralisation est activée par le labour d'été et en cas de mauvaise levée, la culture intermédiaire ne parvient pas à jouer pleinement son rôle de piège à nitrate. Si la levée sur le labour est une réussite (cas de l'objet T6 en 2009 et 2010 où la moutarde a été semée au combiné semoir - herse rotative), la culture intermédiaire parvient à capter cette production supplémentaire d'azote en laissant in fine une valeur d'APL assez faible.

... et susceptibles de pénaliser doublement certains agriculteurs lors des contrôles !

Pour rappel, les exploitations situées en zone vulnérable sont susceptibles d'êtres contrôlées sur la teneur en Azote Potentiellement Lessivable (APL) avant la période de drainage hivernal dans le cadre du Programme de Gestion durable de l'azote (PDGA). Les résultats sont comparés à des courbes de références établies pour huit classes de cultures, la classe « Céréales sans CIPAN » étant distincte de celle « Céréales avec CIPAN ».

Dans les essais, même si les résultats de toutes les techniques testées sont conformes par rapport aux références APL auxquelles ils auraient été comparés en cas de contrôle, il faut préciser que la fumure azotée du froment d'hiver précédant la moutarde a été calculée au plus juste et rappeler qu'il n'y a eu aucun amendement organique après la récolte. Les résultats mesurés auraient pu être nettement amplifiés dans d'autres conditions, surtout pour les objets T3 et T5.

En cas de mauvaise levée sur préparation de sol intense, outre le risque d'obtenir une valeur absolue d'APL supérieure à celle obtenue uniquement avec des repousses, un autre risque pour l'agriculteur provient du fait que, quel que soit son niveau de développement, si une CIPAN est implantée, en cas de contrôle, l'APL de la parcelle est comparé à la courbe APL « Céréales avec CIPAN ». En d'autres termes, l'agriculteur qui rate son semis voit son résultat déjà médiocre comparé de surcroît aux courbes de référence établies sur des moutardes dans des fermes où leur implantation est soignée et le piégeage de l'azote optimal ! En cas de semis d'une culture intermédiaire, il est dès lors impératif d'y accorder le plus grand soin afin de limiter les risques de dépassement de la norme.

Conclusions et perspectives

Malgré des contextes météorologiques très différents, des résultats similaires ont été obtenus pour quatre des techniques de semis de moutarde testées à deux reprises (et qui seront à nouveau testées en 2011 et 2012). Des résultats assez médiocres ont ainsi été obtenus avec les semis à la volée à 8 kg/ha sans recouvrement ultérieur, que cela soit sur un déchaumage préalable ou sur labour (il est à noter qu'en pratique, les densités observées en ferme sont fréquemment supérieures à 10 kg/ha, ce qui sera testé en 2011).

Pour les autres techniques testées, pour autant que les semences soient légèrement enterrées et le sol rappuyé en cas de sécheresse, la levée a été une réussite et la moutarde blanche a pu jouer pleinement son rôle de piège à nitrate en captant en grande partie le reliquat azoté post-culture de même que l'azote minéralisé suite au travail de sol qui a accompagné le semis de la moutarde et ce, quelle que soit son intensité. Le matériel classique présent sur les exploitations a permis, à condition d'être mis en œuvre correctement, d'atteindre d'excellents résultats.

Les essais 2009 et 2010 confirment donc que la qualité accordée au semis de la moutarde joue un rôle considérable dans la réussite de celle-ci et par conséquent, conditionne fortement ses performances que ce soit sur un plan agronomique ou environnemental.

On ne pourrait toutefois conclure sans mettre l'accent sur le fait que ces essais se sont focalisés sur le seul aspect « nitrates ». On se doit notamment de rappeler que le semis à la volée sur un labour de fin d'été, même s'il s'est soldé par des résultats médiocres dans les conditions des essais (avec, pour rappel, des densités de semis limitées à 8 kg/ha), s'est développé dans nos régions suite à l'apparition d'échéances strictes sur le maintien des couverts, qui, si elles peuvent se justifier d'un point de vue « nitrates », contraignent fréquemment les agriculteurs à travailler leur sol dans des conditions d'humidité défavorables voire pitoyables avec à la clé, des impacts extrêmement néfastes notamment sur l'érosion hydrique des sols dénoncés maintes fois par les agriculteurs. L'avancement de la date de destruction des couverts « PGDA » au 16 novembre, est, dans cette optique, un signal accueilli très positivement par de très nombreux praticiens.

 

Synthèse rédigée le 27/07/2011 par S. Weykmans (ASBL Greenotec) et J. Marot (FWA - Structure d'encadrement Nitrawal) sur base du rapport de recherche des essais CIM09-Malèves-Sainte-Marie-WastinesII et CIM10-OrbaisIV.

 

 

Sources bibliographiques

DE TOFFOLI M., KHALIDI M. ET WEYKMANS S. (2011). Essais comparatifs de techniques de semis d'une culture intermédiaire de moutarde blanche en 2009 à Malèves-Sainte-Marie-Wastines et en 2010 à Orbais (commune de Perwez). Rapport de recherche. Louvain-la-Neuve, Gembloux et Strée-lez-Huy, B. : UCL ELIA, Nitrawal ASBL et Greenotec ASBL, 34 p.

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Publié le: 2011-07-26