Non-labour : un moyen pour minimiser les dégâts de sanglier ?

Introduction

Ces deux dernières décennies, la forêt wallonne, à l’instar des autres forêts occidentales, a vu croître ses populations de sangliers de façon impressionnante. De cet accroissement résulte une augmentation des dégâts dans les cultures. En Région wallonne, c’est tout particulièrement le Sud du Sillon Sambre-et-Meuse qui est touché mais la présence des suidés est désormais établie au nord de ce même Sillon.

Diversité des dégâts de sanglier

Le sanglier est surtout actif dans les prairies, les maïs et les céréales. Pour ces deux cultures, l’expérience apprend que les années humides seraient les plus problématiques.   D’après l’ASBL Fourrages-Mieux, la notion de dégât ne se limite pas au seul dommage par prélèvement, lié à la consommation simple des cultures. Elle englobe toutes les autres déprédations liées à la fréquentation des parcelles agricoles par le gibier, à savoir :

  • coulées, couches, piétinement ;
  • plants de maïs ou de céréales versés, brisés, mais non consommés ;
  • sol fouiné et retourné par le sanglier, nécessitant une remise en l’état par l’agriculteur ;
  • clôture abîmée, etc.
Cet article se concentre sur les dégâts de sanglier par retournement du sol. Les dégâts superficiels (moins de 5 cm) sont appelés « vermillis », tandis que les dégâts profonds (plus de à 5 cm) sont appelés « boutis ». Ces dégâts nécessitent tous deux une remise en état, manuelle ou mécanique.

Prévention des dégâts à court terme

Mesures générales

Mieux vaut prévenir que guérir ! Les dégâts de sangliers ne dérogent pas à l'adage et la collaboration active entre chasseurs et agriculteurs est une condition préalable à une politique préventive efficace. Il existe de nombreuses mesures dont l’application doit être raisonnée au cas par cas. Il est ainsi possible d'agir au niveau :
  • de la pression de chasse : c’est le premier et le principal levier d’action ! Au-delà d’une certaine densité de sangliers, toute action de prévention sera vouée à l’échec ; 
  • d'actions sur les cultures telles que la taille des parcelles et la localisation de celles-ci, préférer des variétés précoces et les récolter le plus tôt possible, ne pas semer le maïs dans des sols trop froids pour limiter le temps de levée ;
  • d'actions indirectes de prévention des dégâts : le nourrissage et les gagnages ;
  • d'actions directes de prévention des dégâts : les clôtures et les répulsifs.

Mesures spécifiques pour les céréales implantées après maïs ou betterave

Lorsque une céréale est implantée après un maïs ou une betterave (pois également), la récolte du précédent laisse toujours au sol des morceaux de racines ou d’épis susceptibles d’intéresser les sangliers durant la période hivernale. Le fait de les enfouir profondément dans le sol par labour aurait, selon plusieurs témoignages, le gros inconvénient d’accroître le risque de dégâts dans la céréale lorsque le sanglier fouille le sol pour se nourrir de ces résidus.

Il existe plusieurs techniques préventives telles que laisser les carottes de maïs au sol le plus longtemps possible pour qu’elles se fassent manger par les rongeurs et les oiseaux avant de labourer ou de laisser les clôtures de protection du maïs jusqu’à la récolte de la culture suivante. Dans le cas des maïs sur pied ayant subi des dégâts conséquents, le broyage ou le ramassage des tiges et des carottes sont des méthodes efficaces de prévention des dégâts.

Toujours dans cette optique préventive, plusieurs agriculteurs en sont venus à implanter (quand les conditions climatiques le permettent) leurs céréales derrière maïs et betterave en non-labour pour éviter au maximum que les sangliers ne « labourent » la céréale en automne et durant l’hiver pour aller chercher les épis et les morceaux de racines dans le sol (les résidus étant positionnés plus superficiellement en TCSL). Même si cette technique ne permet pas d’éviter tout dégât, il semblerait toutefois qu’elle permette de les limiter efficacement.

Risque d’une augmentation des dégâts à moyen ou à long terme ?

Le sanglier se nourrit de végétaux mais également de protéines animales. Cette source de protéines animales est constituée par quantité de vers, larves, insectes et petits rongeurs qu’il va dénicher en retournant la terre.

Dans une étude très fouillée sur les impacts environnementaux des TCSL en France, S. de Tourdonnet et al. (2008) mettaient en exergue que les techniques sans labour induisent une modification de la biodiversité de la faune du sol se traduisant entre autres par une augmentation des densités d’arthropodes et de vers de terres susceptible d’entraîner un développement concomitant de leurs prédateurs.

Une question se pose donc quant à la pratique permanente du non-labour dans une optique de réduction à court terme des dégâts après maïs ou betterave : l’augmentation de l’activité biologique dans le sol par l’action du non-labour ne risquerait-elle pas d’être contre productive à moyen ou à long terme ?

La question avait déjà été soulevée par C. Waligora (2009) dans l’édition anniversaire de janvier-février 2009 de la revue spécialisée « TCS » consacrée aux bilans, acquis et perspectives de l’agriculture de conservation et qui y évoquait les inconvénients rencontrés par les TCSistes, dont l’arrivée des limaces, des campagnols… mais aussi dans certaines expérimentations françaises de sangliers attirés par un enrichissement en vers de terre sans pouvoir préconiser d’autre solution que la clôture dissuasive des parcelles.

Nous avons posé la question à une trentaine de TCSistes membres ou connaissances de l’ASBL Greenotec situés dans le Condroz au cours d’une enquête réalisée fin de l’année 2009.

La minimisation parfois considérable de dégâts en froment d’hiver après maïs ensilage ou betterave a été constatée par la quasi-totalité des personnes interrogées. La plupart sont cependant sceptiques sur d’éventuels effets contre-productifs à moyen ou à long terme : quelques agriculteurs en non-labour depuis plusieurs années ont certes pu observer une présence accrue des sangliers sur leurs terres par rapport aux terres labourées de leurs voisins mais la majorité n’a rien constaté de particulier. On nous a d’ailleurs fait judicieusement remarquer que s’il ne s’agissait que d’une question de vers de terre, ce seraient les prairies jouxtant les parcelles de cultures, même en non-labour depuis longue date, qui recevraient les préférences des suidés….

Conclusions

Parmi les diverses méthodes préventives de limitation des dégâts de sangliers, l’implantation sans labour des céréales après maïs ou betterave apparaîtrait comme une mesure préventive relativement efficace pour limiter les dommages. Le risque d’une contre-productivité à long terme, lié à l’augmentation concomitante des populations de vers de terre dont raffolent les sangliers, n’a été rencontré chez nous que de manière marginale et ne doit dès lors pas décourager les agriculteurs qui souhaiteraient s’y essayer.
La prudence nous oblige toutefois à rappeler que l’implantation d’un froment d’hiver sans labour après maïs est considérée comme un facteur de risque dans la problématique des mycotoxines, et qu’en la matière, il existe également plusieurs mesures préventives qui peuvent être mises en œuvre (choix d’une variété parmi les moins sensibles, broyage fin des résidus, etc.).
Article rédigé le 15/12/2009 par A. Hulpiau (ASBL Greenotec) en collaboration avec J. Widar (ASBL Fourrages-Mieux). Nos remerciements vont également à F. Dardenne pour l’idée originale de l’article.

Références bibliographiques:

DE TOURDONNET S. et al. (2008) Les TSL modifient la qualité du sol et la biodiversité. Perspectives agricoles, avril 2008, n°344, p. 36-41. WALIGORA C. (2009) Des vers de terre… à la biodiversité fonctionnelle. TCS Techniques culturales simplifiées, janvier - février 2009, n°51, p. 16-19.

 


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