Essai 2013 couverts

Context et objectif de l'essai

La présente recherche vise à étudier la faisabilité de la mise en place de cultures intermédiaires dans un contexte d’interculture courte. Celle-ci peut être définie comme la période située entre deux cultures principales, une étant récoltée en été (pois, orge, colza, lin…) et la suivante semée à l’automne (froment, orge).

Dans le nouveau PGDA un texte réglementaire a été introduit afin de combler ce manque, il est applicable à partir du 15 juin 2014 :

Sous-section 4. Autres conditions supplémentaires applicables en zone vulnérable

Art. R.222 bis. § 1er. En zone vulnérable, pour le 1er septembre, une culture de couverture composée d'un maximum de 50 % de légumineuses en poids du mélange de graines est implantée après toute culture de légumineuses récoltée avant le 1er août et suivie d'une culture de froment. Ce couvert est détruit à partir du 1er octobre. § 2. Le paragraphe 1er ne s’applique pas si une culture est implantée entre la culture de légumineuses récoltées avant le 1er août et la culture de froment.

Objets expérimentaux

Les différents objets de comparaison sont les suivants :

  • Comparaison de 6 types de couverts d’interculture courte à savoir :
  • la moutarde blanche à 8kg/ha
  • le nyger (AZO-FIX) à 11kg/ha
  • un mélange avoine blanche (EFFECTIV)+ vesce commune de printemps à 80 et 20 g/ha
  • la vesce commune de printemps à 60kg/ha
  • un mélange Sarrasin (DROLLET) + Trèfle d’Alexandrie à 10 et 10 kg/ha
  • le sarrasin (DROLLET) à 20 kg/ha
  • Le témoin sol nu qui servira d’élément de comparaison.

Itinéraire technique

Date

Opération culturale

Modalité

12/07/2012

Récolte pois de conserve

/

22/07/2012

Répartition des fanes

Cultimulch Techmagri

(Cf photo 1)

24/07/2012

Préparation du lit de semence

Semis des Couverts d’interculture Courte

Lemken Smaragd 8 cm (Cf photo 2)

Herve rotative Machio + rouleau packer (Cf photo 3)

Semoir en ligne à disque Accord

(Cf photo 3) trémis frontale (Cf photo 4)

08/08/2012

Semis des Couverts d’interculture Courte

Re-semis du nyger (pb au premier semis)

20/10/2012

Broyage des couverts

Broyeur Omarv TTF (Cf photo 5)

22/10/2012

Semis du froment d’hiver

Cultisoc + semoir Alpégo à disque

Variété Edgar 140kg/ha

08/03/2013

Fertilisation minérale

40 unités (N39)

27/03/2013

Fertilisation minérale

40 unités (N39)

27/04/2013

Fertilisation minérale

40 unités (N39)

04/06/2013

Fertilisation minérale

150 kg/ha (N 27%) granulé

05/08/2013

Moisson du froment

Récolté par la société redebel avec une moissonneuse expérimentale

(Cf photo 6)

Photo 1 : Cultimulch Techmagri

Photo 2 : Lemken Smaragd

Photo 3 : Herve rotative Machio + rouleau Cambridge +

Semoir Accord à disque

Photo 4 : trémis frontale

Photo 5 : Broyeur Omarv TTF

Photo 6 : Moissonneuse expérimentale Redebel

Dispositif expérimental

Le dispositif expérimental comprend 8 parcelles de 4m de large sur 10m de long en 4 répétitions.

Numéros de l’objet

Dose de semis

Description

1

/

Témoin sol nu

2

8 kg/ha

Moutarde blanche

3

11 kg/ha

Nyger

4

80-20 kg/ha

Avoine b. – vesce c. p.

5

60 kg/ha

Vesce commune de printemps

6

10-10 kg/ha

Sarrasin – trèfle d’Alexandrie

7

20 kg/ha

Sarrasin

8

1-4 kg/ha

Moutarde b. - Phacélie

 

Analyse et interprétation des résultats

Résultat de la biomasse des intercultures courtes

Deux objets représentés par des lettres différentes sont significativement différents avec un niveau de confiance a = 0,05

 

Remarque : Aucune attaque de ravageurs (limaces…) n’a été observée sur le couvert. Risque qui est souvent mentionné dans la bibliographie.

Pour la modalité avec nyger, un problème technique lors du semis nous a contraint à faire un re-semis 2 semaines après le premier pénalisant ainsi son rendement.

La modalité vesce commune ayant été fortement prédatée par des corbeaux, son suivi a été abandonné.

Modalité 2 : Moutarde blanche

Modalité 3 : Nyger

Modalité 4 : Avoine blanche

 Modalité 5 : Vesce Commune de printemps

Modalité 6 : Sarrasin - trèfle d’Alexandrie.

Modalité 7 : Sarrasin

 Modalité 8 : Moutarde blanche - Phacélie

Résultat des mesures d’azote

Evolution de la quantité d’azote du sol au cours du temps

Après la culture de pois, on retrouve généralement une grande quantité d’azote dans le sol due à la fixation d’azote atmosphérique par cette légumineuse. Cet essai en est un bel exemple.

On retrouve en post culture (11/07/2012) assez peu d’azote dans le profil, 23 kg de N-NO3-/ha. Cette donnée est très intéressante car elle nous montre bien qu’une légumineuse, le pois de conserverie dans notre situation, prélève de préférence l’azote disponible dans le sol avant de fixer celui de l’air laissant ainsi un profil azoté assez faible en post récolte. En revanche, après plusieurs semaines le processus de minéralisation des résidus de pois de conserverie (fanes + racines) conduit à une augmentation nette du stock d’azote nitrique, passant à 145 kg de N-NO3-/ha sur la parcelle de sol nu au 09/10/2011 et à 149 N-NO3-/ha au 11/12/2011 (fin de période d’APL).

Au 09/10/2011 on peut noter que parmi les intercultures testées, les plus efficaces pour capter l’azote du profil sont la moutarde et le mélange moutarde/phacélie. On peut signaler que le nyger a lui aussi très bien joué son rôle de piège à nitrate à l’automne 2012. Bien qu’il ait été semé avec 2 semaines de retard (08/08/2012) par rapport aux autres modalités il n’a laissé que 22 kg de N-NO3-/ha dans le profil. Le nyger et le sarrasin sont des plantes qui aiment la chaleur, aussi ces 2 espèces doivent être semées le plus tôt possible (maximum au 10 août) pour qu’elles puissent exprimer pleinement leur potentiel.

On peut aussi remarquer qu’après leur destruction, le nyger et la moutarde ont libéré assez rapidement une grosse quantité d’azote, respectivement 34 et 50 kg de N-NO3-/ha (essentiellement due à la minéralisation des couverts après comparaison avec le témoin).

Quoi qu’il en soit, toutes les intercultures testées ont très bien joué leur rôle de piège à nitrate.

Reliquat azoté au printemps (06/03/2013)

Ce graphique nous donne la quantité de N-NO3-/ha disponible pour le froment d’hiver à la reprise de la végétation, fin d’hiver début du printemps.

La première constatation est que les différences entre les modalités sont atténuées par rapport à celles observées avant l’hiver.

Pour les différentes modalités, l’azote est présent dans des proportions assez proches sur l’ensemble des trois couches prospectées (la proportion d’azote augmente à mesure que l’on descend dans le profil). On peut noter que pour le sol nu l’azote est présent dans des proportions plus grandes dans la profondeur 60-90cm. En sol nu 59% de l’azote total était présent dans cette partie contre 40 à 49% lorsqu’il y avait eu un couvert.

La perte d’azote nitrique est marqué sur tous les traitements, mais elle l’est d’avantage dans le sol nus où près de 56% de l’azote nitrique ont disparu du profil (65 kg de N-NO3-/ha par rapport au 149 kg de N-NO3-/ha mesuré au 11/12/2012).

A cette date les couverts végétaux ne sont pas encore totalement minéralisés. On peut donc supposer qu’une partie de l’azote qu’ils avaient captée à l’automne sera libérée au cours de la saison culturale.

Mesure du rendement et de la qualité technologique du Froment d’hiver

Rendement du froment d’hiver

Deux objets représentés par des lettres différentes sont significativement différents avec un niveau de confiance a = 0,05

Ainsi par comparaison avec le témoin, seule la modalité composée du mélange Avoine blanche + Vesce commune (qui ne comportait finalement que de l’Avoine blanche, la vesce ayant été prédatée par des corbeaux) a eu statistiquement un effet dépressif sur le rendement du froment d’hiver. Le mélange Moutarde blanche + Phacélie est quant à lui le seul mélange par comparaison au témoin qui a eu statistiquement un effet positif sur le rendement du froment d’hiver.

Teneur en humidité de la graine de froment d’hiver

Deux objets représentés par des lettres différentes sont significativement différents avec un niveau de confiance a = 0,05

D’après les résultats, la graine de froment présente une teneur en humidité statistiquement inférieure dans la modalité moutarde par rapport au témoin sol nu. Il n’y a pas de différence entre les autres résultats.

Ce retard de maturité est difficile à expliquer. Généralement un stress (compétition, fin d’azote,…) conduit à accélèrer le cycle végétatif du froment. Et cette observation amène souvent à constater une chute du rendement. Or pour cet essai nous n’observons pas de lien entre la maturité du froment et le rendement.

Poids spécifique de la graine de froment d’hiver

Un poids spécifique élevé reflète la qualité physique des grains. En règle générale, le poids spécifique augmente lorsque la teneur en eau de la céréale diminue. Ici, il est donc normal de constater que le sol nu, qui avait une teneur en humidité plus élevée à la récolte, à un poids spécifique statistiquement plus faible.

De manière générale, on peut signaler que le poids spécifique et un facteur qui entre en jeu dans le prix de commercialisation du froment d’hiver. Aussi, un poids spécifique élevé conduit un prix de commercialisation élevé.

Poids de mille grains du froment d’hiver

Deux objets représentés par des lettres différentes sont significativement différents avec un niveau de confiance a = 0,05

La modalité sol nu possède le plus faible PMG. Le plus fort PMG est quant à lui attribué à la modalité moutarde blanche-phacélie. Nous expliquons difficilement cette différence de résultat.

La répétition de cet essai dans le temps nous permettra surement de mieux comprendre les facteurs influençant la qualité technologique du froment d’hiver dans notre situation.

Conclusions et perspectives

Les résultats obtenus grâce aux suivis de l’azote dans le sol réalisé à différents moments de l’année (de la récolte du pois de conserverie jusqu’à la récolte du froment qui suit) nous ont permis d’évaluer l’efficacité des différents couverts testés. L’objectif recherché qui était d’éviter le lessivage de l’azote libéré par la culture de pois tout en permettant de valoriser au mieux cet azote pour la culture suivante, a été en partie atteint grâce à cet essai.

En effet, d’un point de vue agronomique tous les couverts testés ont bien joué leur rôle de piège à nitrate ne laissant que 35 kg de N-NO3-/ha pour le couvert le moins efficace (mélange sarrasin + trèfle d’Alexandrie et 7 kg de N-NO3-/ha pour le plus efficace moutarde blanche). Le plus efficient étant la moutarde et le moins le sarrasin.

Concernant l’optimisation de la valorisation des reliquats azotés laissés par la culture du pois de conserverie pour le froment d’hiver, de nombreuses questions restent encore en suspens. La poursuite de cet essai permettra sans doute d’avoir une meilleure idée des mécanismes entrant en jeu dans le recyclage de cet azote par le couvert en de son retour pour le froment d’hiver. Les rendements obtenus par le froment d’hivers et ceux quel que soit la modalité sont très satisfaisant. On peut simplement signaler que l’avoine semble avoir un effet négatif sur le rendement du froment. Inversement, la modalité composée du mélange moutarde blanche-phacélie a impacté positivement le rendement.

Pour les années suivantes et dans l’objectif d’implanter des couverts toujours plus performants en matière de fixation d’azote et d’autofertilité des sols, il serait judicieux de tester d’avantage de cultures intermédiaires en mélange avec des légumineuses. L’introduction de ces légumineuses ne présente pas d’effet préjudiciable à la capacité d’immobilisation attendue de l’azote