"Glyphosate et bonnes pratiques phytosanitaires"

1. Avant-propos

Le glyphosate est une substance active fréquemment utilisée dans la gestion des adventices pour son efficacité et sa souplesse d’emploi. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une nouvelle molécule, elle fait cependant aujourd’hui l’objet d’une forte pression sociétale qui risquerait bien de conduire à terme à un renforcement de la législation (c’est déjà le cas en France). Afin de limiter les risques de transfert et de pollution de l’eau et donc de préserver l’utilisation du glyphosate dans les situations où il est indispensable, divers moyens s’offrent à l’agriculteur.

Les ASBL Greenotec et PhytEauWal, la Direction du Développement et de la Vulgarisation de la DGARNE de Thuin, le Comice agricole de Thuin et la FJA de Thuin-Nalinnes-Gerpinnes ont organisé le jeudi 25 février 2010 une demi-journée d’étude sur ce thème avec la participation d’Arvalis Institut du Végétal pour informer sur les divers leviers techniques permettant d’optimiser l’utilisation du glyphosate et sur les bonnes pratiques phytosanitaires liées à l’emploi de cette substance active dans l’optique de respecter au mieux l’environnement. Cet après-midi faisait suite à une conférence animée deux ans auparavant (jeudi 21 février 2008) par Jérôme Labreuche à Strée lez-Huy sur la destruction mécanique des cultures intermédiaires et dont un compte-rendu peut être consulté en cliquant ici.

Les lignes suivantes constituent une synthèse de l’intervention d’Alexis Decarrier (Ingénieur régional Champagne-Ardenne pour Arvalis) qui a fait part de l’expérience française en la matière. L’attention du lecteur doit être cependant être attirée sur le fait que la France et la Région wallonne présentent bien des différences en matière phytopharmaceutique : produits disponibles, homologations, législation en général.

2. Optimiser l'utilisation du glyphosate

Divers facteurs influencent la performance d’un traitement phytopharmaceutique, qu’il s’agisse de glyphosate ou d’un autre produit, avec l’objectif corollaire de limiter la dérive : les conditions climatiques, la qualité de l’eau, la formulation, les éventuels adjuvants, le type de buses et le volume de bouillie.

2.1. Conditions climatiques

En tant que produit foliaire systémique, le glyphosate doit après contact avec les feuilles traverser leur cuticule puis circuler au sein la plante pour jouer pleinement son rôle herbicide. L’efficacité du produit est donc d’autant plus élevée que la végétation est « poussante » : les conditions les plus favorables dans les huit jours encadrant l’application sont une hygrométrie supérieure à 60 %, des températures de l’air douces (comprises entre 8 °C et 20 °C) et un sol humide. Une hygrométrie élevée rend la cuticule des feuilles lâche, ce qui accélère la pénétration du produit et augmente la performance du traitement, ceci d’autant plus que la cuticule est peu épaisse (feuille jeune).
Le glyphosate se présente sous forme de concentré soluble (formulation SL). De manière générale, les formulations aqueuses forment de plus petites gouttes, sont moins bien retenues et pénètrent plus lentement au travers de la cuticule que les produits émulsionnables car ces derniers sont de même nature chimique que les cires de la cuticule. Il est à noter que le délai à la pluie n’est pas uniquement lié au temps de pénétration : il dépend aussi de l’adhérence du produit à la cuticule !

2.2. Qualité de l'eau

Le glyphosate est la seule matière active sensible à la dureté de l’eau. Les hautes concentrations en calcium et magnésium caractérisant les eaux dures conduisent à la formation d’un complexe de ces ions avec le glyphosate, d’où une moins bonne pénétration du produit dans la plante.
Deux solutions pratiques sont préconisées par Arvalis pour corriger la dureté de l’eau :
  • pour des duretés n’excédant pas 200 ppm Ca++, il existe en France des adjuvants spécifiques pour le glyphosate qui permettent de corriger partiellement l’effet néfaste de la dureté : il s’agit du Genamin (utilisé à raison de 0,5 l/100 l de bouillie) ou du Glyfor ; 
  • pour des duretés supérieures à 200 ppm Ca++, Arvalis préconise l’ajout de 1 gramme de sulfate d’ammonium par ppm de calcium et par 100 litres d’eau (NDLR : le sulfate d’ammonium étant un engrais azoté, attention à ne pas être en contradiction par rapport au Programme wallon de Gestion durable de l’Azote en Agriculture !).
Les sels que sont le sulfate d’ammonium ou l’azote liquide contribuent également à diminuer la sensibilité du glyphosate à la cristallisation (effet identique pour le Genamin) : en effet, ils absorbent l’humidité de l’air et ralentissent la dessiccation des gouttelettes de la bouillie à la surface de la feuille. Cet effet positif est tout particulièrement intéressant en cas de faible hygrométrie.

2.3. Formulation et adjuvants

De six essais menés par Arvalis pour détruire des repousses de colza (figure ci-contre - cliquer dessus pour l'agrandir) et de vingt-trois essais sur des repousses de graminées, il ressort peu de différences d’efficacité entre des produits « blancs » et des produits hauts de gamme.
En ce qui concerne l’utilisation d’adjuvants avec le glyphosate, une enquête menée par l’Institut en 2007 en Nord - Picardie a mis en évidence que :

  • un tiers des agriculteurs interrogés n’utilisait pas d’adjuvants ;
  • un quart employait du Genamin ; 
  • un sixième environ utilisait soit du sulfate d’ammonium, soit l’adjuvant LI700 ;
  • le reste employait d’autres adjuvants (huiles, mouillants, etc.).

L’effet adjuvant s’est révélé positif au travers de très nombreux essais menés en destruction de repousses de colza ou de graminées, ce gain d’efficacité (variant de moins de 20 % à plus de 60 %) n’étant pas l’apanage des produits blancs aux efficacités intrinsèques réputées plus faibles (les essais d’Arvalis, comme mentionné plus haut, ont mis en évidence peu de différences d’efficacité entre divers produits commerciaux utilisés seuls). Indépendamment du produit commercial auquel ils ont été ajoutés, les adjuvants Genamin, Surf 2000 et Heliosol se sont révélés de loin les plus efficaces (on note par exemple un gain d’efficacité de 60 % pour le Genamin alors qu’une huile comme Vegelux ne permet qu’un gain inférieur à 10 %).

2.4. Types de buses et volumes de bouillie

Du questionnaire dont il a été fait part au paragraphe précédent, il est ressorti également que la quasi-totalité des agriculteurs utilisait soit des buses à fente classique (trois quarts des répondants) soit des buses à injection d’air (environ un cinquième des répondants).
La formulation SL du glyphosate le rend sensible à la dérive (petites gouttes comme mentionné au paragraphe 2.1.) : il compte d'ailleurs parmi les plus sensibles des produits phytopharmaceutiques couramment utilisés. Le risque de dérive concernerait environ 4 % du produit (mesures effectuées en laboratoire). L’utilisation d’un adjuvant permet de réduire sensiblement le risque de dérive par rapport à un produit seul, mais les buses à injection d’air restent cependant (et de loin) le moyen le plus efficace de minimiser les risques (dans ce cas, les essais ne montrent plus aucun effet significatif de l’adjuvant).
Toujours dans la même enquête, on apprend :
  • que la moitié des agriculteurs de Nord-Picardie interrogés en 2007 utilisait des volumes de bouillie compris entre 110 et 150 l/ha ;
  • qu’environ un cinquième utilisait des volumes supérieurs à 150 l/ha ;
  • qu’un autre cinquième choisissait des volumes compris entre 80 et 109 l/ha ;
  • que le reste (soit environ 10 % des agriculteurs) optait pour des volumes inférieurs à 80 l/ha.

En 2006, Arvalis a mené avec la firme Monsanto un essai de réduction du volume d’eau lors de la pulvérisation de Round Up Flash sur des repousses de colza : l’efficacité décroît avec l’augmentation du volume (figure ci-contre - cliquer dessus pour l'agrandir), d’où la préconisation actuelle de baisser les volumes d’eau lors de l’utilisation de glyphosate (entre 50 l/ha et 80 l/ha). Ceci est valable tant pour les buses à fente classique que pour les buses à injection d’air, le recours à ces dernières permettant encore d’augmenter l’efficacité par la limitation de la dérive.

2.5. Adaptation de la dose à la cible

2.5.1. Repousses de graminées
En destruction de repousses de céréales, comme cela a été mentionné précédemment, on note peu ou pas de différences entre les divers produits commerciaux mais un réel effet des adjuvants Heliosol, Surf 2000 ou Genamin sur tous les produits.
Arvalis préconise donc les doses suivantes pour détruire des repousses de céréales (hors ray-grass) :
  • 360 g glyphosate + adjuvant : du stade « 1 feuille » au stade « tallage » ;
  • 540 g glyphosate + adjuvant : du stade « fin tallage » au « stade 1 à 2 nœuds » ;
  • 720 g glyphosate + adjuvant : après le stade « 2 nœuds ».
Pour le ray-grass particulièrement :
  • 720 g glyphosate + adjuvant : du stade « 1 feuille » au stade « tallage » ;
  • 1080 g glyphosate + adjuvant : stade « tallage ».
2.5.2. Repousses de colza
Historiquement, le glyphosate a été mis sur le marché en tant qu’anti-graminée. Ce n’est qu’en augmentant les doses appliquées que l’on s’est rendu compte que le glyphosate pouvait jouer un rôle d’herbicide total. La France étant actuellement à la recherche de solutions pour réduire les doses de glyphosate employées, des expérimentations sont menées sur l’association de doses réduites de glyphosate à du 2,4-D pour détruire tant les graminées et les vivaces que les dicotylédones. En Belgique, il n’existe cependant pas d’agrément pour l’utilisation de 2,4-D sur « les terres agricoles en interculture ».
Le conseil d’Arvalis pour détruire des repousses de colza uniquement avec du glyphosate est donc : 
  •  720 g à 900 g glyphosate + adjuvant (Heliosol, Surf 2000 ou Genamin)
2.5.3. Autres adventices
Le tableau ci-dessous mentionne les doses préconisées par Arvalis en fonction des adventices visés.

2.6. Glyphosate et qualité de l'eau

On ne peut parler de glyphosate sans aborder la question de sa présence (ou celle de ses métabolites) dans les eaux de surface et les eaux souterraines. En France, des bassins versants pilotes (notamment celui de la Fontaine du Theil) font l’objet de toutes les attentions des chercheurs pour cerner au mieux les processus de pollution liés à l’emploi de différents produits phytosanitaires, dont le glyphosate, et évaluer les meilleurs moyens d’y remédier. Bien que les recherches soient toujours en cours, il apparaît déjà très clairement :
  • que les pollutions ponctuelles (accident lors du remplissage du pulvérisateur, gestion inappropriée des fonds de cuve, etc.) constituent entre 50 % et 80 % des causes de contamination des eaux par les produits phytosanitaires ;
  • que les pics de pollution des eaux sont chronologiquement corrélés aux utilisations de glyphosate soit sur sol nu (cour de ferme, etc.), soit pour l’entretien des bordures de champs, et qu’en la matière, des alternatives (mécaniques entre autres) existent ;
  • que les facteurs climatiques, et plus particulièrement la pluviométrie annuelle, ont une influence beaucoup plus grande sur les niveaux de pollution que les quantités de produits utilisées ;
  • qu’à l’avenir, la prise en compte du type de sol (texture et structure), de son mode de gestion (labour ou non-labour) mais encore plus de son état hydrique sera incontournable pour positionner au mieux les traitements afin de minimiser les pollutions liées au glyphosate.
Synthèse rédigée le 25/03/2010 par S. Weykmans (ASBL Greenotec) avec l’aimable relecture d’A. Decarrier (Arvalis Institut du Végétal)
Références bibliographiques
ARVALIS INSTITUT DU VÉGÉTAL ET AL. (2009). Glyphosate. Les bonnes pratiques d’utilisation pour limiter les transferts. Brochure. Paris, F. : Arvalis Institut du Végétal, 4 p. (Plaquette glyphosate arvalis institut du vegetalPlaquette glyphosate arvalis institut du vegetal (879.04 Ko)).
DECARRIER A. (2010). Optimiser l’utilisation du Glyphosate. Communication dans la conférence Glyphosate et bonnes pratiques phytosanitaires organisée le jeudi 25 février 2010 à Thuin (Belgique) par les ASBL Greenotec, PhytEauWal et divers partenaires (Expose decarrier alexis 25 02 2010Expose decarrier alexis 25 02 2010 (1.83 Mo)).

 


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