Denis Vandevoorde, Court-St-Etienne

DenisPionnier du non-labour en Belgique, 82ans

Système grandes cultures

Assolement actuel : froment, betterave, pommes-de-terre, lin, pois de conserve, colza

Sols sablo-limoneux

"À la reprise de la ferme de mon père, je faisais beaucoup de betteraves sucrières (jusqu’à 75% de mon assolement) dans un système labour conventionnel. Mais au début des années 80, le rendement n’était plus au rendez-vous et des problèmes de nématodes apparaissaient. De plus, de faibles taux en matières organiques (1,2%) m’amenaient des problèmes d’érosion et de semelle de labour. Marc Frankinet m’a alors conseillé de réduire la profondeur de labour à 18cm. Comme j’avais une charge de travail importante et que mes autres outils me permettaient de travailler le sol à cette profondeur, j’ai decidé d’abandonner totalement la charrue. Cela fait donc 30 ans que je ne laboure plus !

Mo evolutionN’ayant pas d’élevage, j’ai commencé à apporter de la matière organique extérieure (fientes de poules, compost de déchets verts, boue de station d’épuration). Et mes efforts ont payé ! De 1972 à 2012, mon taux de MO en surface est passé de 1,2% à 3,2% sur plusieurs de mes parcelles. Grâce à cela, mes problèmes d’érosion ont disparu. À mes débuts, l’autoroute en contrebas de mes terres se couvrait souvent de boue après de fortes pluies. Cela ne s’est pas reproduit depuis que je suis en non-labour. Le volume d’eau qui s’infiltre est 18 fois supérieur en semis direct. Je retiens une phrase de Frédérique Thomas à ce sujet : « L’érosion ce n’est pas une fatalité, les principales causes sont le labour, la dilution de la matière organique, la réduction de la masse lombricienne et la compaction ».

PhaceliebisJ’ai toujours mis des couverts végétaux, même avant l’arrêt du labour, car un sol nu est la cause de nombreux problèmes. A l’origine uniquement composé de moutarde, les couverts ont évolué pour assurer le maintien de la matière organique et le stockage de carbone dans les sols. Cela m'a permis de diminuer ma dépendance aux matières organiques extérieures qui constituent un coût significatif dans un système sans élevage. Il y a un équilibre qui s’est recréé dans le sol, favorisant la régulation des ravageurs.

Je porte une attention particulière au tassement de mon sol. Pour cela, j’adapte la pression des pneumatiques des machines à chaque chantier. Je réfléchis aux endroits où l’on passe à pleine charges pour limiter les compactions au maximum. La notion de compaction n’existe pas dans la nature, c’est donc un élément à prendre en compte si l’on veut éviter des problèmes.

Dans chaque choix de technique, mon but à atteindre était le semis direct. Déjà en 82, je faisais du semis direct de betteraves sous couvert avec un semoir adapté. Cela me permettait de semer plus tôt et d’avoir des betteraves plus belles bénéficiant de plus d’humidité, mais on observait des sillons mal refermés  et on faisait moins de rendements qu’avec un léger travail du sol (réchauffement et minéralisation). Les résultats de mes choix ont aussi permis de réduire les heures en tracteurs et l’usure de ces derniers."


 

Denis a toujours collaboré avec d’autres agriculteurs, sous forme de CUMA ou de groupes de réflexion, ce qui l’a amené à visiter de nombreuses exploitations (En France, notamment) et à participer à de nombreuses réunions et conférences. Il avait créé un groupe de réflexion pour la pulvérisation bas volume et il a vu qu’il pouvait aller plus loin. C’est ainsi qu'est venue l'idée de former un groupe de réflexion autour de la structure du sol. Avec quatres autres agriculteurs wallons, Denis a fondé le GIE Greenotec en 1995 qui s’est transformé en ASBL en 2006.

Semis 1La transition de l’exploitation de Denis s’est réalisée par étapes. Tout d’abord, il a acheté un broyeur pour gérer les couverts. Ensuite, il a acquis un semoir pour implanter les betteraves en direct sous couvert. Il a ensuite opté pour un Cultisoc (Kuhn), un décompacteur, un Smaragd (Lemken) et un semoir Accord (Kverneland). Ce sont ces outils qui lui ont permis de ne pas labourer, en travaillant le plus souvent en superficie (et parfois plus en profondeur pour rattraper d’éventuels problèmes de structure). L’atteinte de son objectif de semis direct pour l’ensemble de son système est néanmoins entravée par le prix des semoirs et le besoin en polyvalence de ces derniers (il faudrait un semoir à disque et un à dent pour pallier à toute circonstance). De plus, la taille de son exploitation rend difficile l’amortissement d’un tel matériel.

À ses débuts, le système de Denis était assez représentatif de l’époque, avec les betteraves représentant 75% de sa surface. Après l’arrêt du labour, sa rotation s’est allongée, se composant de 30% de betterave, 30% de froment, 10% d’endives, 10% de lin, 10% de paturin porte-graine et 10% de jachères. Denis avait bien compris que l’adaptation de la rotation conditionne la réussite des systèmes en agriculture de conservation des sols.

Denis était confronté à une présence d’Agrostis dans ses parcelles, mais avec l’évolution de ses pratiques, ce problème a fortement diminué. Intéressant lorsque l’on sait que l’Agrostis est une plante indicatrice des sols compactés et carencés en matière organique !

Lorsqu’on lui demande quel serait son meilleur conseil à ceux qui veulent se lancer en AC, sa réponse est claire : « un conseil n’est rien sans conviction ». Il faut être passionné et persuadé de ce que l’on fait si l’on veut que cela fonctionne. Pour lui, la charrue est un cache-misère : après un labour, la terre est plane mais les problèmes n’ont disparu qu’en surface. D’ailleurs, on retiendra l’une de ses citations favorites à ce propos : « le beau est l’ennemi du bien ».

CouvertterLes terres cultivées par Denis, puis par son fils, Benoit, ne subissent plus de labour depuis 30 ans grâce aux nombreux essais qui ont pu être réalisés sur l’exploitation. Benoit continue le travail commencé par son père et teste de nouvelles pratiques chaque année. Le retour d’expérience de toutes ces années en non-labour démontre la durabilité du système.

Au cours de sa transition Denis a appliqué tous les principes de l’agriculture de conservation : il a couvert son sol en permanence, favorisé les apports de matière organique, réduit le travail du sol, allongé sa rotation et réduit sa consommation en produits phytosanitaires. C’est la combinaison de ces pratiques qui permettent à son système de fonctionner.

Passionné par les évolutions de sa ferme, le machinisme, le sol et l’agriculture en général, Denis pourrait en parler durant des heures. Encore aujourd’hui, il est constamment en quête de solutions aux problématiques agricoles.